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Surnommé le « tueur silencieux », ce requin est désormais considéré comme plus dangereux que le requin blanc selon les experts

Publié par Killian Ravon le 03 Nov 2025 à 22:11

Dans les eaux tropicales et tempérées, un prédateur plus discret que le grand blanc s’est hissé en tête des dangers marins. Surnommé le « tueur silencieux », le requin bouledogue s’impose désormais comme le squale le plus menaçant pour l’être humain, grâce à une capacité d’adaptation hors norme et un comportement d’approche d’une efficacité redoutable.

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Requin bouledogue en estuaire saumâtre, profil musclé au soleil rasant, au-dessus d’un fond sableux.
Bouledogue en maraude dans un estuaire, sa silhouette se détachant dans la lumière de fin de journée.

Capable de remonter des fleuves et d’explorer des estuaires, ce requin change la carte du risque. Et ses techniques de chasse, étudiées notamment à La Réunion, confirment une stratégie patiente, méthodique et souvent fatale. Mais saviez-vous que c’est aussi un opportuniste qui, paradoxalement, ne place pas l’homme au menu ?

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Requin bouledogue adulte en pleine eau à Beqa Lagoon, Fidji, photographié de profil en lumière naturelle, nageoire dorsale bien visible.
Un bouledogue en patrouille au large de Beqa, l’allure d’un sprinteur prêt à jaillir.
Crédit : Terry Goss / Wikimedia Commons (CC BY-SA).
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Un squale « tout-terrain » : des océans aux rivières

Le requin bouledogue se distingue d’abord par une polyvalence qui force le respect. Là où le grand requin blanc reste un marin pur, ce chasseur trapu franchit les frontières de salinité et réussit là où la plupart des squales échouent. Il fréquente l’océan ouvert, s’invite dans les estuaires et s’aventure en eau douce. Cette tolérance physiologique lui a permis d’être repéré dans des milieux que l’on croyait protégés, bien loin du large.

Les observations ont documenté des incursions spectaculaires. Aux États-Unis, des individus ont été enregistrés dans le Mississippi, remontant le cours du fleuve sur de longues distances. En Amérique du Sud, certains spécimens ont navigué dans l’Amazone jusqu’aux contreforts andins au Pérou, établissant un record à plus de 3 700 km de l’océan. En Inde, le Gange abrite des populations stables. Cette présence plurielle n’est pas anecdotique : elle multiplie mécaniquement les zones de contact avec les populations humaines, y compris dans des cadres traditionnellement perçus comme sûrs, loin des plages océaniques.

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Dans l’océan, sa présence est forte. En estuaires, elle grimpe d’un cran encore, portée par l’abondance de proies et la turbidité qui facilite l’approche. En rivière, elle demeure modérée, mais réelle. Ce « profil amphibie » redessine donc la carte des expositions : baigneurs, surfeurs et adeptes d’activités nautiques rencontrent ce squale là où ils ne l’attendaient pas.

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Groupe de requins bouledogues nageant ensemble en pleine eau, plusieurs individus alignés dans le bleu.
Parfois solitaires, parfois en groupe : l’opportunisme jusque dans la sociabilité.
Crédit : Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0).
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Une anatomie pensée pour mordre, une stratégie faite pour surprendre

Sous sa silhouette ramassée, le bouledogue cache une mécanique d’attaque admirablement huilée. Sa mâchoire asymétrique, critère d’identification pour les scientifiques, délivre une pression considérable. Chaque morsure devient un étau dont il est difficile de s’extraire. Loin du cliché d’une charge aveugle, c’est un chasseur opportuniste qui observe, évalue et exploite le moindre avantage.

À La Réunion, le programme scientifique Charc a permis de décrypter cette approche grâce à l’équipement de 39 spécimens avec des balises acoustiques. Les données convergent : en fin d’après-midi, les animaux effectuent de véritables reconnaissances, surveillant les déplacements des proies potentielles. Au crépuscule, ils passent à l’offensive. Leur signature ? Une attaque verticale depuis le fond : partant d’une zone d’ombre, ils jaillissent vers la surface en accélération fulgurante, portés par une masse musculaire compacte et une nageoire caudale puissante. L’effet de surprise réduit drastiquement les possibilités d’échappement.

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Cette réussite tient aussi à un arsenal sensoriel finement réglé. À dix mètres, expliquent des chercheurs, le bouledogue possède déjà un avantage décisif : ses capteurs perçoivent les champs électromagnétiques produits par les battements cardiaques, discriminent les odeurs et lisent les vibrations infimes de l’eau. Dans une eau teintée, à la tombée du jour, c’est souvent suffisant pour sceller l’issue d’un face-à-face.

Requin bouledogue vu de trois-quarts sous l’eau claire, museau arrondi et silhouette massive à faible profondeur.
Silhouette trapue, regard fixe : le portrait du « tueur silencieux ».
Crédit : Sylke Rohrlach / Wikimedia Commons (CC BY-SA).

Des chiffres qui basculent en sa défaveur… et en la nôtre

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Dans les zones les plus exposées, le bilan des attaques confirme sa dangerosité. À La Réunion, entre 2011 et 2025, on recense 21 attaques de requins ayant entraîné 9 décès. La plupart des incidents mortels sont attribués au bouledogue. Lorsque l’on zoome sur la gravité des morsures, la statistique glace : le taux de mortalité associé aux attaques de bouledogue atteint 27 %. C’est bien plus que la moyenne observée chez d’autres espèces. L’une des explications avancées tient à son mode opératoire : sa mâchoire puissante et sa tendance à maintenir la prise, alors que le grand blanc relâche plus souvent après une première morsure, accroissent la létalité.

Pourtant, il faut le rappeler : l’être humain n’est pas une proie naturelle. Le bouledogue se nourrit majoritairement de poissons de taille moyenne, de céphalopodes comme les calamars, de petits requins, de crustacés et de mollusques. Les attaques relèveraient ainsi souvent de l’erreur d’identification dans une eau turbide, ou d’un réflexe défensif. Un apex predator qui mord « par erreur » n’en reste pas moins un animal dont la première morsure peut s’avérer irrattrapable, compte tenu de sa morphologie.

Requin bouledogue évoluant au-dessus d’un fond sableux, éclairage naturel, nageoires pectorales étendues.
En eaux claires, le bouledogue reste un maître de la discrétion.
Crédit : Sylke Rohrlach / Wikimedia Commons (CC BY-SA).
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Un animal encore mystérieux, des chercheurs sur la piste

Malgré la médiatisation croissante de l’espèce, le requin bouledogue conserve une large part d’ombre. Ses cycles migratoires précis, ses zones de reproduction et même son espérance de vie restent encore mal documentés. Les suivis par balises satellites et les analyses génétiques en cours devraient éclairer ces lacunes. Mais pour l’heure, cette méconnaissance complique l’élaboration de mesures de protection robustes et ciblées.

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À La Réunion, les autorités expérimentent une approche originale : un dispositif de surveillance sous-marine mobilisant des apnéistes formés, positionnés à proximité des zones de baignade et des espaces nautiques. Leur mission : repérer les individus en affût. L’observation a montré que, lorsqu’il se sait observé, le bouledogue préfère battre en retraite plutôt que de maintenir sa position d’attaque. Cette sensibilité à la présence humaine, lorsque l’humain n’est plus « proie » mais observateur, ouvre une piste prometteuse pour une cohabitation plus sûre.

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Gros plan d’un requin bouledogue à Tiger Beach, Bahamas, évoluant au-dessus du sable, bouche entrouverte.
Aux Bahamas, l’approche feutrée d’un bouledogue en maraude.
Crédit : Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Pourquoi il dépasse, aujourd’hui, le grand blanc dans la perception du risque

Pendant des décennies, le grand blanc a incarné la peur des océans, alimentée par le cinéma et quelques faits divers retentissants. Mais la réalité du terrain bascule vers le bouledogue pour trois raisons principales. D’abord, sa versatilité environnementale démultiplie les occasions de contact, du littoral aux embouchures, parfois loin des côtes. Ensuite, son comportement méthodique, fait de repérages et d’attaques verticales, exploite des fenêtres temporelles — fin d’après-midi, crépuscule — où la vigilance humaine s’émousse. Enfin, sa mâchoire et son ancrage lors de la prise rendent ses morsures plus létales, en moyenne.

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Ce basculement ne signifie ni que le grand blanc aurait disparu, ni qu’il serait devenu inoffensif. Il rappelle plutôt une dynamique de risque mouvante, où l’espèce qui croise le plus souvent l’humain — notamment là où il ne l’attend pas — concentre mécaniquement l’attention et les chiffres.

Mieux vivre avec le risque : lucidité, timing et terrain

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À l’échelle individuelle, certaines règles simples restent de mise dans les régions concernées. Éviter la baignade et les activités nautiques au crépuscule, renoncer aux mises à l’eau dans une eau troublée, préférer les zones surveillées, tenir compte des alertes locales et des fermetures préventives : autant de réflexes qui pèsent réellement dans la balance. On ne « supprime » pas un apex predator ; on réduit les circonstances où nos trajectoires se croisent dans de mauvaises conditions.

À l’échelle collective, les dispositifs de veille, la recherche appliquée et la pédagogie sont les meilleurs alliés. L’expérience réunionnaise autour des apnéistes-vigies en est une illustration concrète : adapter la surveillance aux comportements réels de l’animal, plutôt que l’inverse. Et ce détail que peu de gens connaissent mérite d’être souligné : l’intimidation passive — l’effet d’être vu — semble suffire, souvent, à désamorcer une approche.

En une décennie, le requin bouledogue a gagné un statut singulier : le squale le plus redouté à l’échelle des interactions avec l’homme. Sa polyvalence, sa puissance et une imprévisibilité apparente l’ont placé en haut de l’affiche. Et la révélation qui s’impose au terme de ce panorama tient en une image : ce n’est pas au large, mais parfois en eau douce, à quelques mètres d’un rivage trouble au soleil déclinant, que le « tueur silencieux » excelle.

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