Machine électrique à quatre roues, prix de scooter : ce drôle d’engin fabriqué au Maroc intrigue les villes européennes
En cette fin d’année 2025, un minuscule engin à quatre roues, vendu au prix de scooter, commence à s’imposer dans le paysage urbain. Compact, cubique, fermé comme une petite bulle, il circule au milieu des SUV comme un OVNI sur roues.
Fabriqué au Maroc et pensé pour les centres-villes européens, il promet une mobilité simple, pas chère et accessible très tôt. Mais que cache vraiment cette drôle de « non-voiture » qui attire tous les regards ?
Crédit : Damian B Oh / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
Un cube roulant qui ressemble à une voiture… sans en être une
À première vue, on pourrait croire à un jouet grandeur nature. La carrosserie dessine un bloc presque parfaitement symétrique, avec des panneaux avant et arrière quasiment identiques, des feux ronds empilés et un pare-brise bien vertical. Sur ses petites roues de 14 pouces, le véhicule semble minuscule dans le flot de circulation. Pourtant, il s’agit bien d’une vraie machine de déplacement, pensée pour affronter le trafic urbain au quotidien.
Longue de seulement 2,41 mètre, cette micro-voiture électrique se gare dans un mouchoir de poche, se faufile dans les ruelles et se glisse sur des places où une citadine classique n’oserait même pas essayer. Son gabarit lilliputien n’est pas un caprice de designer : il répond à une contrainte très concrète, celle de la saturation des centres-villes. Moins de place, moins de poids, moins d’impact visuel : un choix à rebours de la mode des SUV imposants.
Autre particularité, cette machine n’entre pas dans la catégorie automobile classique. Elle est homologuée comme quadricycle électrique, ce qui change tout. Sa vitesse est bridée, son usage est limité, mais elle peut être conduite dès l’adolescence avec un simple permis AM, ou même sans permis pour certaines générations. Une sorte de passerelle entre le deux-roues motorisé et la voiture, avec une coque fermée et un minimum de protection.
Curieusement, ce statut « à part » la rend parfois difficile à classer. N’est-ce qu’une voiturette haut de gamme ? Un scooter carrossé ? Une alternative à la trottinette ? C’est précisément ce flou qui intrigue en ville, où l’on croise de plus en plus souvent ce petit cube gris-bleu au milieu des bus, vélos, taxis et trottinettes électriques.
Crédit : Calreyn88 / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
Dans la lignée de la 2CV, le retour à l’essentiel
Si ce véhicule surprend autant, c’est aussi parce qu’il renoue avec une vieille tradition française : celle des engins ultra-simples, conçus pour rendre la mobilité accessible au plus grand nombre. On pense évidemment à la 2CV ou à la Méhari, ces voitures populaires qui privilégiaient la praticité au clinquant. Ici, la philosophie est la même, mais transposée au XXIᵉ siècle : tout est réduit au plus strict nécessaire, et tout est pensé pour la mobilité urbaine.
L’engin ne propose que deux places, côte à côte, dans un habitacle fermé et minimaliste. Pas de chrome, pas d’écrans géants, pas de sellerie luxueuse. À l’intérieur, on découvre un volant, un petit compteur numérique derrière celui-ci et un simple support pour smartphone qui fait office de « système multimédia ». Ce détail que peu de gens connaissent : c’est le téléphone du conducteur qui devient, en pratique, le tableau de bord connecté, via ses applications de navigation ou de musique.
Les équipements, eux aussi, sont réduits à l’essentiel. Pas de climatisation, pas de vitres électriques, pas de direction assistée. Les sièges en plastique sont simplement recouverts de coussins fins, l’ensemble privilégiant la robustesse au confort moelleux. Certains y verront une régression, d’autres un retour bienvenu à la sobriété. En ville, où les trajets ne dépassent souvent pas quelques kilomètres, ce dépouillement peut sembler plus logique qu’un habitacle bardé de gadgets.
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Ce choix radical permet aussi de maintenir un tarif agressif. En France, le véhicule est proposé sous la barre des 8 000 €, avec, selon les configurations et aides en vigueur, un tarif réel pouvant descendre autour de 6 490 € grâce au bonus écologique réservé aux quadricycles électriques. De quoi le placer clairement en concurrence avec un scooter ou une petite moto, plutôt qu’avec une citadine traditionnelle.
Fabriquée au Maroc, pensée pour les centres-villes européens
Autre élément que peu de passants imaginent en croisant ce cube électrique : il ne sort pas d’une usine française. Sa production est assurée au nord du Maroc, à Kénitra, dans un site ultra-moderne du groupe Stellantis. Cette usine de Kénitra est devenue en quelques années un pilier de la stratégie « produire au sud pour vendre au nord », avec des volumes importants destinés à plusieurs pays européens.
Mis en service en 2019, ce site assemble déjà de nombreux modèles du groupe. L’arrivée de ce quadricycle urbain en 2020 s’est faite dans cette logique de rationalisation. Coûts de main-d’œuvre maîtrisés, écosystème de fournisseurs locaux, logistique étudiée pour l’export : tout est pensé pour maintenir un prix de vente plancher, tout en respectant les standards de qualité attendus sur le marché européen. Là encore, on retrouve une forme de minimalisme, mais appliqué cette fois à la chaîne industrielle.
Une stratégie industrielle en question
Cette stratégie soulève forcément des questions. Faut-il délocaliser la production de véhicules populaires pour qu’ils restent abordables ? Certains plaident au contraire pour une relocalisation des modèles d’entrée de gamme. Mais dans le cas présent, le pari semble fonctionner : la production marocaine alimente sans difficulté la France, l’Italie, l’Espagne, la Belgique ou encore d’autres marchés plus récents. Les délais restent raisonnables et la demande n’a cessé de croître depuis le lancement.
Avec ce choix industriel, le constructeur ne se contente pas de faire baisser les coûts. Il teste aussi une nouvelle manière de concevoir le véhicule urbain : un produit global, mais très ciblé dans son usage. Une sorte d’objet de mobilité exporté clé en main, pensé pour les centres-villes européens saturés, où chaque mètre carré compte et où la voiture classique est de plus en plus poussée vers la sortie.
Crédit : Alexander Migl / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
Performances modestes, usage ultra-ciblé
Du côté technique, l’ambition n’est pas de rivaliser avec une berline électrique. Le véhicule est classé en catégorie L6e, celle des quadricycles légers. Son petit moteur développe 6 kW, soit un peu plus de 8 ch, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse limitée à 45 km/h. Pas question d’emprunter l’autoroute ni même de longs axes rapides : il est clairement conçu pour la ville, point final.
La batterie affiche une capacité de 5,5 kWh, pour une autonomie de 75 km annoncée. C’est peu face aux standards des voitures électriques actuelles, mais largement suffisant pour des trajets domicile-école, domicile-travail en zone dense ou pour des petits déplacements répétés. L’avantage, c’est que la recharge se fait sur une simple prise domestique, en environ trois heures. Pas besoin de borne rapide ni d’installation complexe dans le garage ou sur le parking.
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L’habitacle, lui, reflète ce positionnement utilitaire. Deux places seulement, avec des assises rigides mais bien pensées pour dégager un maximum d’espace aux jambes et aux épaules. Les commandes sont simples, quasi intuitives, et les rangements sont limités mais malins. Sur de courtes distances, deux adultes peuvent voyager sans se sentir enfermés. Sur un long trajet, en revanche, l’absence de confort avancé se fait évidemment sentir.
Les limites sont claires : pas d’usage autoroutier, peu d’intérêt pour les longs trajets périurbains, encore moins pour la campagne profonde. Mais dans le périmètre pour lequel il a été pensé, ce petit engin se révèle étonnamment efficace. Beaucoup plus rassurant qu’un scooter sous la pluie, plus stable qu’une trottinette, plus visible qu’un vélo dans les embouteillages. En hiver, l’habitacle fermé devient même un vrai luxe pour ceux qui n’ont jamais connu autre chose qu’un deux-roues.
Crédit : Андрей Романенко / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
Une « non-voiture » qui change la ville et séduit des profils très différents
Depuis son arrivée sur le marché, ce quadricycle a progressivement créé sa propre catégorie. Les rues de nombreuses villes européennes voient désormais circuler ces petits cubes électriques aux couleurs parfois vives.
On les retrouve devant les lycées, dans les flottes d’auto-écoles, chez des seniors qui ont abandonné le permis B, mais aussi dans des sociétés de livraison ou des services municipaux. Une voiture sans permis qui devient, petit à petit, un objet de tous les jours.
Ce succès n’est pas passé inaperçu du côté de Stellantis. Autour du modèle d’origine, le groupe a déjà lancé des dérivés : une version utilitaire à un seul siège capable de transporter des colis, ou encore des variantes badgées Opel Rocks-e, destinées à d’autres marchés.
D’autres micro-projets électriques se préparent pour l’usine marocaine, preuve que ce format compact semble promis à un certain avenir. Une façon, aussi, de répondre à la montée en puissance des zones à faibles émissions dans les grandes métropoles.
Plus largement, cet engin cristallise une mutation profonde de la mobilité. Face à la hausse des prix des voitures traditionnelles, aux restrictions de circulation et à la difficulté de se garer, une partie du public accepte l’idée de posséder un objet moins polyvalent, mais mieux adapté à son quotidien. Il ne s’agit plus d’avoir un véhicule capable de tout faire, mais un moyen de transport précis, calibré pour l’urbain, quitte à louer autre chose ponctuellement pour les vacances ou les longs trajets.
Crédit : Luc106 / Wikimedia Commons
Un choix complètement assumé
Et cette machine à quatre roues, justement, assume totalement ce rôle. Elle ne prétend pas remplacer une grande berline, ni s’aventurer hors des villes. Elle offre autre chose : une solution simple, légère, relativement économique, accessible dès 14 ou 15 ans et compatible avec un budget serré. C’est peut-être ce que l’avenir réservera aux constructeurs : des réponses ciblées, loin de la surenchère technologique, mais parfaitement ajustées aux usages.
Derrière ce concept radical, il y a enfin un nom que les amateurs de voitures connaissent bien. Ce cube électrique fabriqué à Kénitra, vendu à prix de scooter et homologué comme quadricycle électrique, n’est autre que la Citroën Ami, la petite voiturette qui, en 2025, s’impose comme l’un des symboles les plus étonnants de la mobilité urbaine douce.