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Deux étudiants empochent 180 000 € en détournant le système de remboursement des trains en retard

Publié par Killian Ravon le 28 Oct 2025 à 18:03

Deux colocataires de 26 et 25 ans, originaires de Chine et installés à Leeds, ont été condamnés fin octobre 2025 pour complot en vue de frauder. Et possession de biens criminels. Entre 2021 et 2025, ils ont exploité une faille de remboursement des trains en retard pour amasser environ 157 000 £ (près de 180 000 €). En multipliant les demandes sous fausses identités et au moyen de comptes bancaires multiples.

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Hall de gare britannique lumineux avec panneaux de départs/arrivées, guichets « Tickets » et voyageurs en mouvement.

Selon un récit daté du 22 octobre 2025, les deux étudiants ont constaté qu’aucune vérification automatique approfondie n’empêchait de déposer deux demandes sur un même trajet. Ils réclamaient d’abord un remboursement de billet pour « renoncement au voyage », puis une compensation pour retard si le train avait effectivement pris du retard. Repérés par la police britannique des transports, ils ont été arrêtés, placés en détention provisoire et condamnés par le tribunal de Leeds à des peines de 30 mois et 17 semaines de prison.

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Une faille repérée à Leeds, exploitée dès 2021

À Leeds, l’histoire commence en 2021. Deux étudiants, colocataires, remarquent que le dispositif de remboursement des trains en retard laisse passer certaines incohérences. Ce qu’ils identifient alors n’a rien d’un piratage technique : c’est une brèche procédurale, une absence de « croisement » systématique permettant de détecter qu’un billet a déjà été l’objet d’une demande de remboursement. En clair, un trajet pouvait donner lieu à deux formulaires différents et, parfois, à deux issues favorables. C’est précisément dans cet interstice qu’ils s’engouffrent.

Leur méthode, décrite simplement, tient en deux temps. D’abord, ils annoncent qu’ils ne voyageront plus et sollicitent le remboursement du billet. Ensuite, si le train concerné finit par accuser un retard, ils déposent une seconde demande : non plus pour récupérer le prix du billet, mais pour obtenir une compensation financière liée à ce retard. On pourrait croire que cette seconde requête serait bloquée, tant elle se superpose à la première ; elle ne l’est pas toujours. C’est là l’angle mort qui, répété sur la durée, va leur rapporter gros.

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Dans ce genre d’affaire, on s’imagine une opération sophistiquée. Or il s’agit d’une logique administrative détournée, mais fort efficace. Au fil des mois, et parce que ce procédé demeure discret, les demandes s’enchaînent. L’exploitation est dite « artisanale » dans son principe, mais « industrielle » dans son volume.

Vue d’ensemble d’une partie traversante de la gare de Leeds, avec toitures et aiguillages visibles depuis une passerelle en hauteur.
Vue d’ensemble de la gare de Leeds, côté voies traversantes.
Crédit : Chris McKenna / Wikimedia Commons.
Concourse de la gare de Leeds, espace Art déco restauré avec flux de voyageurs et commerces visibles.
Le concourse de la gare de Leeds, restauré.
Crédit : Ruth Sharville / Wikimedia Commons.
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Une mécanique de remboursement détournée au centime près

La clé de leur réussite ? La répétition et la dispersion des traces. Les deux étudiants créent 16 fausses identités, ouvrent de nombreux comptes bancaires, et segmentent ainsi ce qui, autrement, aurait pu ressembler à une anomalie visible. Cette fragmentation dilue les signaux faibles et repousse l’alerte. À chaque identité, un formulaire. À chaque compte, un virement. Le retard d’un train, ici, devient l’occasion d’un dédommagement, là. Ce détail que peu de gens connaissent : lorsqu’un processus automatise la gestion de volumes importants, il devient paradoxalement vulnérable aux scénarios qui « épousent » ses règles plutôt qu’ils ne les brisent.

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En outre, le renoncement au voyage suivi d’une compensation sur un même trajet ne se voit pas si, en apparence, les dossiers sont portés par des personnes différentes. Dans une perspective administrative, on ne rapproche pas spontanément un billet remboursé d’une indemnisation ultérieure, surtout si les identités et les coordonnées bancaires divergent. De là l’illusion d’une pluralité de cas, alors qu’on parle d’une même opportunité saisie deux fois.

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Ce montage n’a pas seulement profité d’une faille ; il a exploité le rythme du quotidien ferroviaire, fait d’aléas et de retards. Et lorsque le nombre de demandes augmente, l’étrangeté statistique se perd dans la masse. Mais saviez-vous que des pratiques aussi simples, reproduites patiemment, peuvent générer des sommes à cinq voire six chiffres ? C’est exactement ce qui s’est produit : environ 157 000 £ accumulés, soit l’équivalent d’environ 180 000 €.

: Entrée et concourse sud de la gare de Leeds, vue large, circulation des passagers en journée.
L’entrée sud de Leeds, côté concourse.
Crédit : Network Rail.

Le repérage par la police des transports et l’arrestation

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La police britannique des transports finit pourtant par remonter la piste. Les paramètres qui, pris isolément, ne disent rien, forment une signature quand on les aligne : des virements convergeant vers des comptes reliés par des éléments communs, un calendrier de demandes récurrent, des motifs qui reviennent. À Leeds, la répétition finit par dessiner un motif suffisamment net pour attirer l’attention.

Quand vient l’arrestation, les deux jeunes hommes sont placés en détention provisoire. Les montants saisis et retracés parlent d’eux-mêmes : l’un des étudiants a engrangé 141 031 £, l’autre 15 712 £. Ensemble, ils illustrent une mécanique dans laquelle l’un, peut-être plus audacieux, concentre l’essentiel, tandis que l’autre collecte des sommes moindres. La colocation à Leeds n’était pas qu’un détail de vie étudiante : elle a aussi servi de base logistique à cette fraude au long cours.

À ce stade, l’enquête ne cherche plus un « bug » informatique, mais dresse la cartographie d’un système contourné par l’usage habile des règles. Le fait qu’aucun mécanisme n’ait automatiquement bloqué la double demande sur un même trajet devient la pièce centrale du dossier.

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Grand hall de King’s Cross St Pancras à Londres, vue large des zones d’accès et cheminements voyageurs.
Hall de King’s Cross St Pancras (Londres).
Crédit : Wikimedia Commons.

Devant le tribunal de Leeds : des aveux et des peines fermes

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Devant le tribunal de Leeds, les deux étudiants plaident coupable. Les qualifications retenues sont claires : complot en vue de frauder et possession de biens criminels. Les faits ne sont pas contestés : des comptes bancaires multiples, 16 identités fictives, un système exploité pendant plusieurs années, et des sommes bien identifiées.

Les peines tombent, distinctes mais cohérentes au regard des montants gagnés et de la responsabilité de chacun. L’un écope de 30 mois de prison, l’autre de 17 semaines. Le partage des gains rejaillit sur la sévérité des sanctions : celui qui a reçu 141 031 £ est plus lourdement puni que son complice, crédité de 15 712 £. Dans un procès où la chronologie compte – 2021 pour le début, octobre 2025 pour l’épilogue – la ligne directrice demeure la même : c’est l’usage détourné d’une procédure de remboursement et de compensation qui a rendu la fraude possible.

Au-delà des chiffres, ce verdict signale un double message. D’abord, la répression : même lorsque l’arnaque s’adosse à une procédure légale, elle n’en reste pas moins illégale si elle s’exerce sciemment en contradiction avec son esprit. Ensuite, la prévention : la mise au jour d’une faille procure, pour l’avenir, les arguments nécessaires à sa correction.

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Western Concourse de King’s Cross à Londres, structure courbe et afflux de passagers à l’heure de pointe.
Western Concourse de King’s Cross (Londres).
Crédit : Wikimedia Commons.

Ce que révèle cette affaire sur les systèmes de remboursement

Cette affaire pose une question simple : comment un système pensé pour simplifier la vie des voyageurs peut-il, par endroits, s’exposer à des usages détournés ? La réponse ne tient pas à un algorithme mystérieux, mais à l’enchaînement de petites règles. Un remboursement pour renoncement au voyage répond à une logique ; une compensation pour retard en suit une autre. Si aucun filet ne relie ces deux fils, la faille apparaît.

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On pourrait croire que ce type d’abus se repère immédiatement. En réalité, la discrétion et la dispersion rendent la détection difficile. Des identités variées, des comptes qui changent, des saisons de voyage différentes : autant d’éléments qui « normalisent » des opérations en apparence banales. C’est lorsque la police britannique des transports agrège ces bribes qu’une trame émerge.

Reste l’essentiel : une juridiction a confirmé la nature frauduleuse de la pratique. Deux étudiants, condamnés à de la prison, ont reconnu leur rôle. Et Leeds, au cœur du dossier, s’invite dans le débat public : faut-il lier plus finement les demandes de remboursement et les demandes de compensation ? Sans créer de lourdeur pour les voyageurs de bonne foi, des garde-fous procéduraux peuvent éviter les dérives. Ici, l’affaire fait figure d’alerte : en l’absence de vérification poussée automatique, un processus généreux peut devenir une opportunité pour qui sait la reconnaître.

À noter enfin un détail que l’on ne découvre qu’une fois la chronologie reconstituée : si le total frôle les 180 000 €, l’écrasante majorité – 141 031 £ – a été captée par l’un des deux étudiants, quand l’autre n’a empoché « que » 15 712 £. Une révélation qui éclaire aussi la différence de peines prononcées.

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