Un « faux pilote » aux commandes : comment un homme sans diplôme a pu voler sur des Airbus A320 en Europe
Un faux pilote aurait passé des années aux commandes d’Airbus A320 en Europe. En se présentant comme commandant de bord alors qu’il n’en avait pas les diplômes. Travaillant pour la compagnie lituanienne Avion Express, il aurait fourni de faux documents pour gravir les échelons.
À l’automne 2025, l’affaire éclate et une enquête interne est ouverte, avec une question qui dérange tout le secteur. Comment un tel profil a-t-il pu passer entre les mailles du filet ?
Comment un « faux pilote » s’est retrouvé aux commandes
Tout commence chez Avion Express, une compagnie spécialisée dans les vols opérés pour le compte d’autres transporteurs. Avec une flotte composée d’Airbus A320 et A321. L’homme mis en cause y était présenté comme commandant de bord et affecté à des vols dans plusieurs pays européens. Sur le papier, rien d’anormal. Un pilote expérimenté, un parcours solide et des heures de vol suffisantes pour rassurer des passagers. Qui, eux, n’y voient que du feu.
C’est pourtant au sein même de la compagnie que les premiers doutes émergent. Selon les informations rendues publiques. Avion Express dit avoir été alertée récemment par des « informations non vérifiées » concernant l’expérience professionnelle de ce pilote. Autrement dit, son dossier ne collait plus parfaitement aux standards affichés par la compagnie. Qui assure respecter des procédures de recrutement « strictes » pour garantir la sécurité aérienne.
Face à ces zones d’ombre, la réaction officielle est immédiate. Avion Express confirme que l’homme n’est plus en poste et qu’il a été suspendu dès la découverte du problème. En parallèle, une enquête interne est ouverte pour démêler ce qui relève du simple mensonge sur un CV. Et ce qui pourrait constituer une fraude massive impliquant de vrais documents falsifiés. Mais saviez-vous que ce pilote ne sortait pas de nulle part. Et que son parcours avant Avion Express était déjà loin d’être linéaire ?
Crédit : Pixabay / Dylan_Agbagni
Un parcours jalonné de zones d’ombre
Avant d’atterrir chez Avion Express, le pilote avait déjà derrière lui une carrière dans l’aviation commerciale. Il avait notamment travaillé comme copilote au sein de la compagnie Garuda Indonesia, transporteur national indonésien. Un poste important, mais qui ne lui permettait pas de s’afficher légitimement en commandant de bord. Selon les éléments révélés. Il n’a d’ailleurs jamais obtenu les qualifications requises pour accéder officiellement à ce statut dans cette compagnie.
Ce passé n’a pourtant pas empêché l’homme de poursuivre sa route. Après son passage en Indonésie, il aurait rejoint Eurowings, compagnie allemande à bas coût. Là encore, son expérience suffit à convaincre, au moins dans un premier temps. L’affaire révélée aujourd’hui a d’ailleurs conduit Eurowings à faire appel à des experts pour examiner de près son parcours. Ses formations et les documents qu’il avait fournis. Une manière de vérifier si l’usurpation n’a pas commencé bien avant son arrivée chez Avion Express.
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Ce qui interpelle, c’est la cohérence globale de ce CV. D’une compagnie à l’autre, d’un pays à l’autre. Le pilote semble avoir réussi à bâtir une image de professionnel chevronné. Capable de prendre les commandes d’un appareil de ligne. Les compagnies qui l’ont employé se retrouvent désormais obligées de répondre à une question simple mais dérangeante. Ont-elles été dupées par un individu isolé ? Ou par un système trop confiant dans les papiers qu’on lui présente ?
Crédit : Wikimedia Commons / Pieterbrantegem (CC BY 4.0)
Recrutement et contrôles : les questions qui fâchent
Au cœur de cette affaire se trouve une problématique que le grand public découvre rarement. La mécanique du recrutement dans les compagnies aériennes. Avion Express assure appliquer des procédures de recrutement « strictes ». Une formule que l’on retrouve souvent dans les communiqués des acteurs du secteur. Contrôle des licences, vérification des données de vol, recoupement entre les autorités nationales et les employeurs précédents. Tout cela est censé former un mur infranchissable pour les imposteurs.
Pourtant, dans ce cas précis, ce mur a manifestement présenté des fissures. L’homme aurait fourni des documents falsifiés concernant son expérience, lui permettant de se faire passer pour un pilote pleinement qualifié. Dans les faits, il aurait ainsi obtenu un poste de commandant de bord chez Avion Express. Alors qu’il n’en remplissait pas les critères officiels. C’est là que se joue l’aspect le plus inquiétant de l’affaire : ce n’est pas une seule erreur administrative, mais une série de vérifications qui semblent avoir échoué.
Les autorités et les compagnies n’ont, pour l’instant, pas détaillé précisément quels documents ont été falsifiés ni comment les contrôles ont été contournés. Mais cette affaire fait écho à une crainte récurrente dans l’aviation commerciale : le risque que la confiance accordée aux dossiers et aux références prenne parfois le pas sur la vérification minutieuse.
Ce détail que peu de gens connaissent, c’est que ces procédures impliquent souvent plusieurs acteurs, entre compagnies et autorités, ce qui peut créer des angles morts lorsque l’information circule mal.
Crédit : Wikimedia Commons
Des vols opérés dans plusieurs pays européens
Ce qui choque particulièrement les observateurs, c’est l’ampleur géographique de l’affaire. Le faux pilote ne serait pas resté cantonné à une base unique ou à un seul pays. Embarqué à bord d’Airbus A320 opérés par Avion Express, il aurait volé « dans plusieurs pays européens » jusqu’à l’été 2025. En clair, des passagers dans toute l’Europe auraient pu se retrouver aux mains d’un pilote qui n’avait pas les diplômes correspondant à son poste officiel.
Pour les passagers, la confiance repose sur un principe simple : le fait qu’en montant dans un avion, tout le monde à bord, du cockpit à la cabine, est dûment formé et contrôlé. La situation révélée ici fissure ce contrat moral, même si aucune conséquence dramatique n’a été signalée dans le cadre précis de cette affaire. Avion Express n’a d’ailleurs pas évoqué d’incident de vol particulier lié à ce pilote, ce qui laisse penser que les vols qu’il a opérés se sont déroulés sans événement majeur connu.
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Fondée en 2005, la compagnie se présente comme un acteur spécialisé dans l’« ACMI » (location d’avions avec équipage), avec des opérations en Europe, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Ses appareils, principalement des Airbus A320 et A321, transportent des passagers pour le compte de différentes compagnies européennes et internationales. Dans ce contexte, l’idée qu’un individu ayant enjolivé, voire falsifié, son profil ait pu se glisser dans le dispositif remet en cause tout un système de confiance entre opérateurs.
Crédit : Wikimedia Commons / UR-SDV (CC BY-SA)
Avion Express tente de rassurer sur la sécurité de ses vols
Consciente de l’impact potentiel d’une telle révélation sur son image, Avion Express a rapidement pris la parole. Son porte-parole a confirmé que l’homme mis en cause était bien un ancien pilote de la compagnie, tout en insistant sur le fait que l’entreprise n’a été informée que récemment de ces nouvelles données sur son expérience professionnelle. La compagnie affirme avoir suspendu le pilote dès que l’affaire a été portée à sa connaissance et assure coopérer pleinement avec les vérifications en cours.
Dans le même temps, Avion Express rappelle qu’elle respecte des procédures de recrutement rigoureuses. Ce message vise à rassurer les passagers et les partenaires sur le fait que ce cas serait isolé. Mais l’existence même de cette affaire alimente le doute : si un individu a pu contourner ces barrières au point de piloter des avions en Europe pendant plusieurs mois, qu’est-ce que cela dit de la capacité du système à détecter les fraudes en amont ?
Pour les compagnies comme Avion Express, la priorité est désormais de démontrer qu’elles tirent les leçons de ce qui s’est passé. Cela peut passer par un renforcement des contrôles, des recoupements supplémentaires avec les autorités d’aviation civile, ou encore par une vérification rétroactive des dossiers de certains membres du personnel navigant. Sans entrer dans les détails, la compagnie admet implicitement qu’un maillon de la chaîne a cédé et qu’il faut aujourd’hui le consolider pour restaurer la confiance.
Crédit : Wikimedia Commons / Sp33dyphil (CC BY-SA)
Un signal d’alarme pour tout le secteur aérien
Au delà du cas individuel, cette histoire renvoie à une inquiétude plus large : la fragilité potentielle des garde-fous administratifs dans un secteur où la sécurité aérienne repose autant sur la technologie que sur l’humain.
Les pilotes ne sont pas de simples chauffeurs de bus du ciel, mais des professionnels dont les compétences sont évaluées en continu, avec des examens, des simulateurs et des contrôles médicaux. Quand un individu parvient à se hisser au rang de commandant de bord sans disposer des qualifications requises, c’est tout ce dispositif qui est remis en question.
Les différents employeurs concernés, comme Garuda Indonesia et Eurowings, ont déjà commencé à revisiter le passé de ce pilote. L’objectif est d’identifier les éventuelles failles, de comprendre si certains documents auraient dû alerter plus tôt et de vérifier si d’autres dossiers ne présentent pas des incohérences similaires. Pour les passagers, ces démarches restent invisibles, mais elles conditionnent la solidité du système qui permet chaque jour à des milliers d’avions de décoller et d’atterrir sans incident.
Et la vraie révélation tombe au fil de ces vérifications : avant de se présenter comme commandant de bord chez Avion Express, l’homme n’avait jamais obtenu les qualifications requises pour ce poste, ni en Indonésie ni en Europe, ce qui signifie que l’uniforme et les galons qu’il arborait depuis des mois n’auraient jamais dû lui être accordés.