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Compteurs Linky : un ex-électricien soupçonné d’une fraude géante en Gironde

Publié par Killian Ravon le 28 Nov 2025 à 13:30

Un dossier hors norme est en train de se jouer devant la justice bordelaise. Un électricien à la retraite est accusé d’avoir mis au point un système permettant à de nombreux particuliers de voir leur facture d’électricité fondre de manière spectaculaire.

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Électricien senior en bleu de travail inspectant un compteur Linky vert dans un couloir, smartphone en main.
Un ex-électricien à la retraite contrôle un compteur Linky, au cœur d’une affaire de fraude présumée.

Derrière ces économies, la justice soupçonne des manipulations massives de compteurs Linky. Sur fond de rémunérations en liquide. Et de pertes importantes pour le gestionnaire du réseau.

La vidéo du jour à ne pas manquer
Coffret mural ouvert avec compteur Linky vert intégré dans un muret de rue à Lyon, vue frontale en extérieur en pleine journée.
Un compteur Linky en façade, coffret ouvert, repéré à Lyon.
Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA 4.0
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Un sexagénaire au centre d’une affaire hors norme

Devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. C’est un homme d’une soixantaine d’années, désormais retraité, qui doit répondre de faits qualifiés de complicité d’escroquerie. Il s’agit d’un ancien salarié d’Enedis, le gestionnaire du réseau d’électricité, dont il connaît parfaitement les équipements et les procédures.

Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir mis à profit cette expérience pour modifier le fonctionnement de compteurs communicants. Installés chez des particuliers en Gironde. À l’audience, le prévenu reconnaît une partie des faits. Mais conteste fermement être l’unique artisan de cette fraude. Présentée comme l’une des plus importantes jamais détectées autour du compteur Linky. Il se dit dépassé par l’ampleur que l’affaire a rapidement prise.

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Dès l’ouverture du procès, le ton est donné par le ministère public. Le parquet insiste sur le caractère organisé et répétitif des manipulations reprochées. Et balaie l’idée d’un simple « service » rendu à quelques proches. Pour l’accusation, le sexagénaire n’est pas un bricoleur maladroit. Mais bien la pièce maîtresse d’un système qui a duré plusieurs années.

Un système qui faisait fondre la facture d’électricité

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Selon l’enquête, les interventions litigieuses s’étaleraient sur plusieurs années et concerneraient des dizaines, voire des centaines d’installations en Gironde. Les clients concernés voyaient leurs factures d’électricité chuter de façon spectaculaire. Presque du jour au lendemain. Sans changement particulier dans leur consommation quotidienne.

Pour obtenir ces rabais aussi soudains qu’inexplicables. Les particuliers auraient accepté de verser une somme en liquide au technicien. Généralement entre 500 et 800 euros. En retour, le compteur se mettait à afficher une consommation bien plus faible que la réalité. Certains foyers auraient ainsi pu réduire leur facture d’électricité d’environ 80 %, sans effort particulier.

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Cette mécanique, répétée sur une longue période, aurait fini par alerter Enedis. Les écarts entre consommation réelle sur le réseau et remontées enregistrées par les compteurs communicants. Croisés avec des profils de consommation atypiques, ont finalement conduit à l’ouverture d’une enquête. Celle-ci aboutira à la mise en cause directe de l’ancien électricien aujourd’hui jugé à Bordeaux.

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Compteur Linky fraîchement installé dans une habitation, boîtier vert visible avec affichage initial à zéro kWh.
Un compteur Linky neuf, juste après la pose.

Un prévenu qui se présente comme un simple dépanneur

À la barre, le sexagénaire propose une version bien moins structurée des faits. Il raconte que tout aurait commencé beaucoup plus tard que ce que décrivent les enquêteurs, et situe le début des manipulations en 2021, et non en 2018. À cette période, il vient de perdre sa maison dans un incendie. C’est alors, affirme-t-il, qu’un ferrailleur lui aurait proposé des scellés Enedis pour une somme de 200 euros.

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L’ancien salarié explique aussi n’avoir « jamais démarché » de clients. Selon lui, tout serait parti d’une seule personne, un premier client présenté comme un homme ayant connu de graves difficultés de vie. Il assure avoir modifié gratuitement son compteur, dans l’idée de lui donner un coup de main ponctuel. Ce client aurait ensuite transmis son numéro de téléphone à des proches, provoquant un effet boule de neige auquel il dit ne pas avoir été préparé.

Interrogé sur le nombre total de compteurs modifiés, le prévenu se montre flou. Il reconnaît des interventions, mais affirme être incapable de quantifier précisément l’ampleur des manipulations. Il conteste en particulier les faits qui lui sont reprochés après le mois de juin 2023, laissant entendre que d’autres personnes auraient pu poursuivre les trafics en se servant de son nom ou de son mode opératoire.

Gros plan sur l’affichage d’un compteur Linky montrant l’énergie consommée
Gros plan de l’écran LCD d’un Linky. Crédit : Pano38, CC BY-SA 4.0.
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Un réquisitoire sévère et des enjeux financiers colossaux

Pour le ministère public, les hésitations du prévenu ne tiennent pas. Le parquet le décrit comme « la clé de voûte de l’infraction » et rejette l’image d’un homme guidé par la seule solidarité. L’argument d’un « service » rendu à quelques personnes en difficulté ne convainc pas, d’autant que l’enquête évoque des sommes cumulées qui dépasseraient largement un simple dédommagement.

Selon les éléments rassemblés, l’ancien technicien aurait ainsi accumulé plusieurs centaines de milliers d’euros en liquide grâce à ces manipulations. De son côté, Enedis chiffre le manque à gagner à plus d’un million d’euros sur la période, en tenant compte de l’électricité consommée mais non facturée aux clients concernés.

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À l’issue de son réquisitoire du parquet, le ministère public a demandé une peine de deux ans de prison avec sursis à l’encontre du sexagénaire. Le parquet sollicite également la confiscation des biens saisis dans le cadre de l’enquête : la maison familiale, un appartement, un camping-car ainsi que plusieurs comptes bancaires. L’ensemble représente plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire davantage.

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Pour le représentant du ministère public, ce cumul de sanctions – peines et confiscations – est justifié par l’ampleur du dossier, mais aussi par le message à envoyer à tous ceux qui seraient tentés de manipuler un compteur communicant pour réduire artificiellement leur facture.

Compteur Linky affichant « Heures creuses » à 15 h 30, lumière d’après-midi, panneaux solaires visibles en arrière-plan.
Heures creuses réajustées : le Linky indique un créneau l’après-midi, pour coller aux pics de production solaire estivale.
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Une enquête contestée par la défense

Face à ces accusations, la défense de l’accusé s’emploie à démonter la solidité de l’enquête. Son avocate, Me Lucie Teynie, estime que les investigations ont été « orientées » dès le départ vers cet ancien salarié d’Enedis, sans que d’autres pistes soient sérieusement étudiées. Selon elle, l’enquête aurait trop vite considéré le sexagénaire comme responsable exclusif, au risque de négliger d’éventuels complices ou imitateurs.

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La défense pointe également plusieurs incohérences dans le dossier. Certains faits reprochés à son client seraient ainsi datés de 2015, une période où les compteurs Linky n’étaient pas encore installés à grande échelle, ce qui interroge sur la fiabilité des éléments retenus. D’autres dates coïncideraient, toujours selon la défense, avec des périodes durant lesquelles l’accusé était hospitalisé, ce qui rendrait matériellement impossibles certaines interventions qui lui sont imputées.

Pour l’avocate, ces détails « oubliés » montrent que tous les scénarios n’ont pas été envisagés et que des informations erronées ou approximatives ont été intégrées au dossier. Elle demande donc au tribunal de faire preuve de prudence, en rappelant qu’un doute doit toujours profiter au prévenu, surtout dans une affaire aussi technique et étalée dans le temps.

La question de l’intention du sexagénaire reste également au cœur de la stratégie de la défense. L’avocate insiste sur le fait que son client n’a jamais, selon lui, cherché à bâtir un réseau organisé de fraude à l’électricité, mais aurait agi de manière ponctuelle, avant d’être dépassé par les demandes et les conséquences de ses actes.

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Technicien Enedis inspectant un compteur électrique Linky en zone urbaine.
Un agent Enedis vérifie un compteur Linky lors d’un contrôle de routine.

Une décision très attendue en janvier 2026

Au-delà du cas individuel de ce retraité, ce procès met en lumière une réalité que les autorités commencent à mieux mesurer : la tentation, pour certains particuliers, de contourner les règles grâce aux possibilités offertes par les compteurs communicants. Ces dispositifs, censés faciliter le suivi de la consommation et la facturation, attirent aussi les fraudeurs les plus habiles techniquement.

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Dans cette affaire, les enjeux sont multiples. Il y a d’abord les pertes financières revendiquées par Enedis, qui estime que la fraude se chiffre à plusieurs centaines de milliers d’euros de travail rémunéré au noir pour le prévenu, et à plus d’un million d’euros d’électricité non payée pour l’entreprise. Mais il y a aussi la situation des clients qui auraient profité de ces manipulations, parfois en pleine connaissance de cause, parfois en fermant les yeux sur la légalité du dispositif.

Le tribunal, lui, doit désormais trancher. Le délibéré attendu en janvier 2026 dira si les juges considèrent l’ancien électricien comme le pivot unique de ce système ou s’ils estiment que l’enquête laisse subsister trop de zones d’ombre. La date a été fixée au 19 janvier 2026. C’est ce jour-là qu’on saura si le tribunal suit les réquisitions du parquet, avec la peine de prison avec sursis et la confiscation de l’ensemble de ses biens, ou s’il retient une version plus nuancée des faits.

C’est également dans les dernières lignes du jugement que sera officiellement confirmée l’ampleur exacte de la fraude reprochée : selon l’enquête, l’ancien salarié aurait trafiqué au total 599 compteurs Linky entre 2018 et 2024 en Gironde, faisant chuter la consommation affichée – et donc la facture – d’environ 80 % chez de nombreux clients, pour un préjudice estimé à 1,2 million d’euros pour le gestionnaire du réseau.

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1 commentaire

  • C
    Claudine
    28/11/2025 à 15:46
    Il a frauder il doit payer il a pris des risque pris de l'argent au client c'est un malhonnête il faut qu'il soit sanctionné sinon c'est les portes ouvertes pour tout le monde

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