Bonne nouvelle pour Doliprane vendu aux Américains : l’annonce surprise du gouvernement
Depuis la vente d’Opella, maison mère du Doliprane, à un fonds américain, beaucoup craignaient de voir ce médicament emblématique filer à l’étranger. À l’occasion du sommet Choose France, le ministre de l’Économie Roland Lescure assure pourtant l’inverse : la production va au contraire fortement augmenter…
Et rester bien ancrée dans l’Hexagone. Une manière, en cet automne 2025, de répondre aux critiques sur la souveraineté sanitaire, tout en montrant que l’industrie n’a pas dit son dernier mot en France.
Doliprane sous pavillon américain, mais dopé en France
Invité de TF1 à quelques heures de l’ouverture du sommet Choose France, Roland Lescure a choisi un symbole fort pour parler de réindustrialisation : le Doliprane. Ce comprimé de paracétamol, devenu un réflexe dans de nombreux foyers, cristallise depuis un an les inquiétudes autour du rachat d’Opella, la filiale de Sanofi qui le fabrique, par un investisseur américain.
Le ministre a dévoilé des investissements « fléchés » vers la France pour augmenter la production de boîtes de Doliprane de « plus de 30 % ». Concrètement, la capacité annuelle passerait d’environ 450 millions à 600 millions de boîtes, selon ses chiffres. Derrière ces pourcentages, le message est clair : malgré le changement d’actionnaire majoritaire, l’État veut montrer que ce médicament reste fabriqué, et même davantage, sur le territoire national.
Roland Lescure n’a pas hésité à rappeler la polémique qui a accompagné la vente d’Opella à ce fonds américain. À l’époque, la crainte d’une délocalisation de la production et d’une perte de contrôle sur un médicament du quotidien avait agité responsables politiques et syndicats. « Il y a quelques mois, la vente avait fait jaser, là on peut dire que ça marche », a lancé le ministre, façon de dire que la stratégie du gouvernement commence, selon lui, à porter ses fruits.
Crédit : Michelle Tribe / Wikimedia Commons (CC BY 2.0).
Lisieux et Compiègne, au cœur de la souveraineté sanitaire
Les investissements annoncés doivent se concentrer sur deux sites bien identifiés : les usines de Lisieux (Calvados) et de Compiègne (Oise). Ces deux sites industriels, déjà dédiés à la production de Doliprane, se retrouvent ainsi au centre de la stratégie de production en France mise en avant par Bercy.
Lisieux est présentée comme l’un des principaux piliers de la fabrication de Doliprane. Compiègne, autre site clé, doit lui aussi bénéficier de ces nouveaux moyens. Concrètement, il s’agit d’augmenter les volumes, de moderniser les lignes et de sécuriser les capacités pour éviter les tensions d’approvisionnement qui ont marqué les dernières années, notamment pendant la crise sanitaire. Même si le ministre ne donne pas de détails techniques, l’objectif affiché est limpide : produire plus, et mieux, sur le sol français.
Ce choix n’est pas anodin. Dans le débat public, le Doliprane est devenu un symbole de souveraineté sanitaire. Quand la filiale qui le produit est passée partiellement sous pavillon américain, beaucoup ont dénoncé une perte de contrôle sur un médicament jugé essentiel. Le gouvernement insiste désormais sur un autre symbole : celui d’usines françaises qui tournent à plein régime pour assurer l’approvisionnement du pays.
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Dans ce contexte, l’État n’a jamais caché qu’il suivait le dossier de très près. C’est l’un des rares cas où un médicament du quotidien concentre autant d’attention politique, preuve que la question dépasse la simple sphère industrielle pour toucher à la confiance des Français dans leur système de santé.
Crédit : JIP / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).
Comment l’État a gardé un œil sur Opella
L’annonce de Roland Lescure ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une architecture capitalistique patiemment mise en place lors de la vente d’Opella. Lors de l’opération, Sanofi n’a pas totalement tourné la page : le groupe a conservé 48,2 % du capital de la filiale. De son côté, la banque publique d’investissement Bpifrance a pris 1,8 % du capital. La majorité est revenue au fonds américain acquéreur, mais l’ensemble a été présenté comme un montage équilibré.
À l’époque, la participation de Bpifrance n’avait rien d’anecdotique. Pour le gouvernement, elle devait servir de garde-fou, en offrant un droit de regard sur les décisions stratégiques du nouvel actionnaire étranger. Le message était déjà le même qu’aujourd’hui : oui, le capital devient majoritairement américain, mais non, la France n’abandonne pas le pilotage des grandes orientations industrielles.
Un an plus tard, l’exécutif met donc en avant cette configuration comme un succès. Les nouvelles capacités de production annoncées sont présentées comme la preuve que le dialogue entre l’État, Sanofi, Bpifrance et l’actionnaire américain d’Opella fonctionne. Sans entrer dans les détails des discussions, Roland Lescure laisse entendre que les engagements pris sur la fabrication en France ont pesé dans la décision d’investir dans les usines françaises.
Pour le gouvernement, c’est aussi un signal envoyé à tous ceux qui redoutent que des secteurs stratégiques, comme la santé, passent sous contrôle étranger. L’idée est de démontrer que des compromis sont possibles, à condition de sécuriser certaines parts au capital et de garder un interlocuteur public autour de la table.
Crédit : Région Île-de-France / Wikimedia Commons
Choose France, une édition spéciale centrée sur les entreprises tricolores
Si l’annonce sur le Doliprane a autant marqué les esprits, c’est aussi parce qu’elle intervient dans un cadre hautement symbolique. Le sommet Choose France, traditionnel rendez-vous des investisseurs étrangers à l’Élysée, se décline cette fois en une première « édition France » consacrée aux entreprises tricolores qui investissent dans le pays.
Cette déclinaison vise à montrer que la dynamique de réindustrialisation ne vient pas seulement de capitaux étrangers. L’exécutif souhaite illustrer, chiffres à l’appui, que les groupes français eux-mêmes misent massivement sur le territoire national. Le cas d’Opella et du Doliprane permet d’illustrer ce double mouvement : une entreprise au capital international, mais des usines bien implantées en France, au service de la demande intérieure et des enjeux de santé publique.
Le gouvernement annonce ainsi 30,4 milliards d’euros d’investissements français, répartis dans 151 projets. Sur ce total, 21,2 milliards avaient déjà été dévoilés. Reste donc 9,2 milliards d’euros considérés comme entièrement nouveaux, répartis dans une large palette de secteurs.
De l’énergie aux industries vertes, en passant par le numérique, la santé, la chimie, les transports, l’agroalimentaire, la consommation, le spatial ou encore le tourisme, l’exécutif veut montrer que la réindustrialisation ne concerne pas seulement quelques usines spectaculaires mais tout un tissu économique.
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Cette mise en scène n’est pas anodine. Après plusieurs années de discours sur la relocalisation et la réduction des dépendances, l’enjeu est désormais de montrer des projets concrets, chiffrés, qui se traduisent en emplois et en capacités de production. L’augmentation des volumes de Doliprane fabriqués à Lisieux et Compiègne s’inscrit dans cette démonstration, au même titre que d’autres projets moins médiatisés mais tout aussi structurants.
Crédit : Dineshkumar Nallaveerappan / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).
Neuf milliards d’euros de nouveaux projets, des datacenters aux pansements
Dans le détail, les 9,2 milliards d’euros de nouveaux investissements évoqués par Bercy couvrent des projets très différents. Le ministre de l’Économie cite notamment le cas de l’entreprise Thesee, spécialisée dans les datacenters.
Ce secteur, moins visible que des boîtes de Doliprane sur les étagères des pharmacies, joue pourtant un rôle clé dans la souveraineté numérique du pays. En mettant en avant ce type d’investissement, l’exécutif cherche à rappeler que la question des dépendances ne se limite pas aux médicaments ou à l’énergie.
Autre exemple mis en avant : le groupe industriel français Urgo, connu pour ses pansements. La marque prévoit la construction d’une nouvelle usine dans la Loire, avec un investissement de 60 millions d’euros d’ici à 2029. Ce projet illustre une tendance de fond : les entreprises de santé, qu’il s’agisse de médicaments ou de dispositifs médicaux, figurent parmi les acteurs les plus actifs dans cette phase de réindustrialisation.
Ce détail que peu de gens remarquent, c’est que ces annonces mêlent des secteurs très différents, mais répondent à une même logique : consolider des chaînes de valeur complètes sur le territoire français. Des usines pharmaceutiques aux infrastructures numériques, l’objectif est de réduire les points de fragilité qui sont apparus au grand jour lors de la pandémie.
Dans ce contexte, la décision d’Opella de renforcer ses capacités de production de Doliprane en France ne représente pas seulement une réponse à une polémique passée. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de sécurisation des approvisionnements, du médicament de base aux technologies les plus avancées.
Crédit : Rillke / Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).
Un symbole politique très surveillé jusqu’au bout
En filigrane, c’est bien la dimension politique qui donne à cette annonce sa portée particulière. L’an dernier, la cession d’Opella avait « défrayé la chronique », selon les mots mêmes de l’article de référence. Beaucoup y voyaient le symbole d’un fleuron français glissant sous contrôle étranger, à rebours des promesses de réindustrialisation et de souveraineté sanitaire.
En rappelant aujourd’hui que 450 millions de boîtes de Doliprane sont déjà produites en France, et que l’objectif est d’atteindre 600 millions, Roland Lescure tente de retourner le symbole. Le Doliprane, « devenu américain » par son actionnariat majoritaire, serait en réalité plus français que jamais par sa fabrication. Pour le gouvernement, c’est l’occasion de montrer qu’un montage mêlant capital international et présence publique peut déboucher sur des décisions favorables à l’industrie nationale.
Mais saviez-vous que cette configuration n’est pas le fruit du hasard ? Lors de la vente, Sanofi a conservé 48,2 % du capital d’Opella, tandis que Bpifrance est entrée à hauteur de 1,8 %. Ce montage, qui avait été présenté comme un moyen de garder un droit de regard sur les choix de l’actionnaire étranger, sert aujourd’hui d’argument central pour justifier l’augmentation de la production en France.
Autrement dit, la véritable révélation derrière ces annonces est que les parts conservées par Sanofi et la participation de Bpifrance, longtemps perçues comme de simples garde-fous, se révèlent être l’outil discret qui permet aujourd’hui de pousser le nouvel actionnaire américain à investir massivement dans les usines de Lisieux et de Compiègne.