Une vaste étude révèle qu’un simple verre de cette boisson favorise la démence
Boire un seul verre d’alcool par semaine pourrait déjà augmenter le risque de démence. C’est la conclusion troublante d’une étude de grande ampleur publiée le 23 septembre 2025. Celle-ci ne laisse plus de place à l’idée d’un « seuil sûr ».
Même une consommation modeste d’alcool est désormais pointée du doigt. Que l’on prenne un apéritif, un verre de vin au repas ou une bière légère après le travail, les données suggèrent que ces gestes largement banalisés exercent une pression sur le cerveau sur le long terme. Au-delà des risques cardiovasculaires et oncologiques bien connus associés à l’alcool, la nouvelle recherche montre qu’il n’existerait pas de niveau de consommation réellement sans danger pour le risque de démence, y compris pour des pathologies comme Alzheimer.
Une méthodologie robuste et des chiffres parlants
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont mobilisé un échantillon considérable : 559 559 adultes, âgés de 56 à 72 ans au moment du recrutement, issus de deux vastes cohortes — le UK Biobank britannique et le Million Veteran Program américain. Durant la période de suivi, 14 540 participants ont développé une démence.
Ce qui distingue cette étude, c’est la combinaison de données observationnelles (questionnaires déclaratifs sur la consommation d’alcool) et d’analyses dites de randomisation mendélienne, qui utilisent des variants génétiques comme « instruments » pour estimer l’effet causal de l’alcool sur le risque de démence. Grâce à des données génétiques issues de plus de 2,4 millions de participants, les auteurs ont pu atténuer les biais liés à l’hérédité ou aux comportements confondants.
Les résultats : une hausse linéaire du risque
Dans les analyses observationnelles, on observe une association en forme de U : les buveurs modérés (moins de 7 verres par semaine) présentent un risque de démence inférieur à celui des abstinents ou des gros buveurs. Cependant, les analyses génétiques révèlent une autre réalité : le risque de démence augmente linéairement avec la quantité d’alcool consommée, sans signe d’effet protecteur à faible dose. Autrement dit : « plus on boit, plus le risque monte ».
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Concrètement, une augmentation d’un écart-type dans la consommation d’alcool génétiquement prédite correspond à une hausse d’environ 15 % du risque de démence selon le modèle IVW. De même, un doublement de la prédisposition génétique à l’alcoolisme (AUD) est associé à une hausse de 16 % du risque.
Pourquoi les abstinents semblent plus à risque
Les auteurs soulignent un point crucial : beaucoup de personnes développant une démence réduisent leur consommation d’alcool avant le diagnostic, ce qui peut créer l’illusion selon laquelle l’abstinence protège. Ce phénomène de causalité inversée biaise les études observationnelles, mais les analyses génétiques corrigent cet effet.
À noter aussi : une étude antérieure, publiée en mai 2025 dans Neurology, montrait que l’alcool contribue à l’épaississement des artères cérébrales. Ce qui réduit le flux sanguin au cerveau — un mécanisme plausible de déclin cognitif progressif.
Un enjeu majeur pour la santé publique
L’ampleur de cette étude en fait une référence dans le débat sur l’alcool et la santé cérébrale. Elle conteste fermement l’idée longtemps soutenue que la consommation légère pourrait être protectrice pour le cerveau. Les résultats invitent à revoir les messages de santé publique. Il pourrait ne pas y avoir de « dose minimale sûre » d’alcool pour le cerveau.
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Cependant, comme pour toute recherche, des limites existent. Le Professeur Sir David Spiegelhalter, statisticien émérite de l’Université de Cambridge, a souligné que les conclusions génétiques reposent sur des « prédictions génétiques » et non des consommations mesurées, ce qui exige prudence. De plus, la randomisation mendélienne suppose certaines hypothèses non vérifiables (absence de biais confondant, etc.).
Des limites méthodologiques à garder en tête
L’échantillon, bien que large, est majoritairement constitué de personnes d’ascendance européenne. Ce qui limite la généralisation des résultats à d’autres populations. De plus, les diagnostics de démence reposent sur des dossiers médicaux, ce qui pourrait entraîner des erreurs ou des sous-déclarations.
Malgré tout, ces résultats ont des implications claires. Si toute consommation d’alcool est potentiellement délétère pour le cerveau, les stratégies de prévention doivent évoluer. La réduction de la prévalence des troubles liés à l’alcool pourrait diminuer jusqu’à 16 % le nombre de cas de démence, selon les auteurs.
Quelles conséquences pour les individus ?
Pour l’individu, cela signifie une réflexion renouvelée. Il faut privilégier une réduction drastique, voire une abstinence dans certains cas, comme partie d’une stratégie de protection cognitive. Le message est sans détour : minimiser la consommation d’alcool est désormais une stratégie crédible de prévention de la démence.
La communauté scientifique appelle aussi à de nouvelles études, notamment des essais contrôlés et des travaux multiculturels diversifiés. Cela permettrait de valider ces liens dans des populations variées. En parallèle, les décideurs en santé publique et les médecins devront actualiser les recommandations nationales en matière de consommation d’alcool.