Les étoiles se raréfient : ce que cela révèle vraiment sur l’avenir de la lumière dans l’Univers
Lancé en 2023, le télescope Euclid commence déjà à changer notre regard sur le cosmos. En associant ses observations à celles de la mission Herschel, des astronomes viennent de montrer que la « fabrique d’étoiles » de l’Univers tourne au ralenti. À l’automne 2025, ce constat s’impose désormais comme une évidence : notre Univers vieillit, se refroidit… et devient moins fécond en nouvelles étoiles.
Alors, s’agit-il du début de la fin, ou d’une simple étape dans une très longue histoire cosmique ? Derrière cette étude se cache un résultat que peu de gens connaissent encore : le pic d’activité lumineuse de l’Univers est déjà derrière nous.
Un univers qui vieillit plus vite qu’on ne le croit
Vu depuis la Terre, l’Univers donne l’illusion d’une stabilité presque éternelle. Les galaxies continuent de briller, les constellations semblent figées, et rien n’indique à l’œil nu que la machine cosmique est en train de changer de rythme. Pourtant, en regardant plus finement, les chercheurs détectent un signal discret mais implacable : la formation des étoiles ralentit.
Ce ralentissement ne se mesure pas en années ni même en siècles, mais en milliards d’années. Grâce à Euclid, les astronomes observent aujourd’hui que les grands mécanismes énergétiques qui animaient autrefois le cosmos perdent progressivement de leur intensité. Derrière les lumières familières des galaxies, c’est une autre histoire qui se dessine, celle d’un Univers moins bouillonnant, moins actif, déjà engagé dans une lente transition vers le calme.
Et le plus surprenant, c’est que cette évolution ne se lit pas directement dans les étoiles elles-mêmes, mais dans un composant beaucoup plus discret : les poussières interstellaires qui baignent les galaxies.
Crédit : Pixabay / NguyenBinh735
Euclid et Herschel dressent la plus grande carte thermique des galaxies
Jusqu’à récemment, aucune mission spatiale n’avait permis de mesurer, à grande échelle, la température des galaxies à travers l’Univers. Ce cap vient d’être franchi grâce à la combinaison de deux missions de l’Agence spatiale européenne : Euclid, opérationnel depuis 2023, et Herschel, qui a observé le ciel entre 2009 et 2013.
En croisant les relevés optiques d’Euclid et les mesures infrarouges de Herschel, une équipe internationale de 175 chercheurs a compilé les données de plus de 2,6 millions de galaxies. L’objectif : extraire, pour chacune d’elles, des informations thermiques d’une précision inégalée. Il ne s’agit pas de cartographier quelques objets spectaculaires, mais bien de dresser une vision statistique de l’Univers, couvrant près de dix milliards d’années d’histoire cosmique.
Pour y parvenir, les scientifiques ont utilisé une méthode sophistiquée appelée empilement statistique. Plutôt que de regarder chaque galaxie individuellement, ils superposent les signaux lumineux de toutes les galaxies observées, y compris les plus faibles. En moyenne, la « signature thermique » finit alors par se dégager, comme si l’on faisait la moyenne de millions de voix pour reconstituer un chœur lointain.
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Ce travail de fond a permis de réaliser ce qui est présenté comme le plus grand empilement de galaxies jamais obtenu. Et derrière ce gigantesque jeu de superposition, un message apparaît clairement : au fil du temps, les galaxies se sont refroidies.
Crédit : Pixabay / mcsabarez
Quand la température des poussières raconte la vie des étoiles
L’étude met en évidence une baisse d’environ 10 kelvins au cours des dix derniers milliards d’années. À l’échelle humaine, cette différence peut sembler minime. Mais pour des milieux aussi dilués que ceux des galaxies, une telle variation est loin d’être anecdotique. Les plus anciennes galaxies étudiées atteignaient environ 35 kelvins, soit près de -238 °C, une température compatible avec la présence de poussières chauffées par une intense activité stellaire.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette température moyenne ne reflète pas simplement une « chaleur résiduelle » du cosmos. Elle est intimement liée au taux de formation stellaire. Plus une galaxie fabrique de nouvelles étoiles, plus les jeunes astres massifs chauffent les grains de poussière qui les entourent. Quand la poussière se refroidit, c’est donc souvent le signe que la production de nouvelles étoiles baisse.
Dans cette étude, les chercheurs constatent précisément ce basculement. La poussière galactique joue ici un double rôle : elle sert de matière première à la naissance des étoiles, mais aussi de thermomètre indirect. Or les mesures montrent qu’elle est de moins en moins chauffée par de jeunes étoiles, et de plus en plus par des populations stellaires plus anciennes, plus froides.
Comme le souligne Douglas Scott, cosmologiste à l’Université de Colombie-Britannique, la poussière ne brille plus vraiment sous l’effet de flambées de jeunesse cosmique. Elle est désormais surtout entretenue par des étoiles âgées, témoignant d’un Univers qui a largement dépassé son pic d’activité cosmique.
Crédit : T. A. Rector, H. Schweiker, NOIRLab / NSF / AURA (CC BY 4.0)
Un cosmos de moins en moins fertile en nouvelles étoiles
Au cœur des galaxies, les étoiles naissent lorsque des nuages de gaz et de poussière s’effondrent sur eux-mêmes sous l’effet de la gravité. Ce processus dépend de plusieurs ingrédients : la quantité de matière disponible, sa capacité à se refroidir, mais aussi l’agitation interne qui peut empêcher ou faciliter l’effondrement.
Avec le temps, de nombreux mécanismes concourent à « assécher » les réserves de gaz. Les collisions entre galaxies peuvent expulser une partie du gaz dans l’espace intergalactique, le privant ainsi de son rôle de carburant stellaire. Les vents violents générés par les trous noirs supermassifs soufflent la matière hors des régions centrales, rendant plus difficile la naissance de nouvelles étoiles. Même le simple vieillissement des systèmes stellaires contribue à ce tarissement, en modifiant progressivement la répartition de la matière au sein des galaxies.
Les résultats obtenus par Euclid et Herschel confirment que ce tarissement n’est pas un phénomène isolé. Il ne concerne pas seulement quelques galaxies atypiques, malmenées par leur environnement. Il s’agit d’une tendance globale, observable dans toutes les régions de l’Univers. Les zones autrefois foisonnantes en poussières interstellaires actives deviennent progressivement plus calmes, plus froides, moins propices à l’émergence de nouvelles générations d’étoiles.
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Et c’est là un détail que peu de gens connaissent : selon les analyses relayées notamment par LiveScience, l’Univers a déjà vécu son âge d’or de formation des étoiles. Autrement dit, la plupart des étoiles qui brilleront un jour sont déjà nées, ou en cours de formation aujourd’hui. Le futur cosmique sera beaucoup plus sobre en nouvelles lumières.
Crédit : ESO (CC BY 4.0)
Pourquoi le refroidissement des galaxies annonce une extinction lente de la lumière
Si la température des galaxies baisse, ce n’est pas seulement une curiosité thermique. C’est le signe que la machinerie même qui alimente la lumière de l’Univers s’essouffle. Moins d’étoiles massives se forment, moins de rayonnement intense est émis, et la contribution globale des jeunes étoiles à l’illumination du cosmos diminue.
Ce ralentissement ne signifie pas que l’Univers va s’éteindre demain. Les chercheurs parlent au contraire d’un processus extrêmement long, étalé sur des milliards, voire des trillions d’années. Mais la direction est claire : le cosmos devient plus calme, plus froid et de moins en moins fertile.
Les mécanismes physiques à l’origine de cette évolution sont bien connus des astrophysiciens, même s’ils restent complexes à modéliser précisément. À grande échelle, l’univers en expansion disperse la matière, rendant plus rare la rencontre de nuages suffisamment denses pour former des étoiles. À plus petite échelle, les événements violents comme les fusions de galaxies ou les éruptions de trous noirs peuvent laver les galaxies de leur gaz, les condamnant à un avenir dominé par des étoiles vieillissantes.
Peu à peu, la quantité de gaz froid disponible diminue, la naissance de nouvelles étoiles devient plus rare, et la lumière globale de l’Univers commence à décroître. Les chercheurs parlent d’extinction progressive de la lumière, une sorte de crépuscule cosmique qui ne ressemble pas à un effondrement brutal, mais à un lent glissement vers un état de plus en plus sombre.
Crédit :
NASA / ESA / Hubble
Le début de la fin… ou une nouvelle phase de l’histoire cosmique ?
Faut-il voir dans ces résultats un scénario apocalyptique pour l’Univers ? À court terme, non. À l’échelle humaine, et même à celle de la vie de notre galaxie, ce refroidissement reste imperceptible. Le ciel nocturne continuera de briller, les galaxies de se former et d’évoluer, et les étoiles de naître encore pendant très longtemps.
Mais à l’échelle des temps cosmiques, l’étude dirigée par Ryley Hill marque un tournant. En montrant que les poussières interstellaires sont désormais principalement chauffées par des étoiles anciennes, et non plus par de jeunes astres massifs, elle confirme que l’Univers a déjà dépassé son apogée de formation des étoiles. Le cosmos poursuit sa route, mais il est entré dans une étape plus posée, presque contemplative.
Ce que révèlent les données d’Euclid, c’est que ce basculement est désormais acté. Le pic d’activité lumineuse est derrière nous, et l’Univers se dirige, lentement mais sûrement, vers un futur où la lumière se fera plus rare.
Cette extinction progressive de la lumière ne s’achèvera pas avant des milliards, voire des trillions d’années. Pourtant, la grande révélation de cette étude est déjà là : nous vivons dans un cosmos qui a quitté depuis longtemps son adolescence flamboyante et avance, imperturbable, vers une maturité froide où chaque nouvelle étoile devient un événement de plus en plus exceptionnel.