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Un mystérieux tsunami trahi par un satellite au cœur de l’océan Pacifique

Publié par Killian Ravon le 09 Déc 2025 à 2:30

Le monde de la sismologie vient de franchir une étape que personne n’avait encore réussi : suivre une vague géante en pleine course, loin de toute côte.

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Vue satellite réaliste du nord du Pacifique montrant les ondes concentriques d’un tsunami au large des Kouriles-Kamtchatka.
Depuis l’espace, le tsunami des Kouriles-Kamtchatka révèle enfin sa progression cachée au cœur de l’océan.

Grâce à un satellite de la NASA, combiné aux mesures d’instruments en mer et à terre, les chercheurs disposent désormais d’un regard inédit sur ces monstres marins invisibles en haute mer. Et cette nouvelle vision pourrait changer en profondeur la manière dont on déclenche les futures alertes.

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Vue satellite du tsunami généré près du Kamtchatka, montrant la propagation de la vague en anneaux colorés dans le Pacifique nord.
Le tsunami des Kouriles-Kamtchatka vu depuis l’espace, une première qui change la manière de lire les vagues.
Crédit : NASA / JPL-Caltech / NOAA.
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Un tsunami discret repéré loin de toute côte

Tout commence en juillet, lorsqu’un séisme de magnitude 8,8 frappe la zone de subduction des Kouriles-Kamtchatka, au large de l’Extrême-Orient russe. Dans cette région où une plaque tectonique plonge sous une autre, l’énergie libérée est immense. La zone fait partie de la célèbre Ceinture de feu du Pacifique, cet arc de volcans et de failles qui encercle une grande partie du océan Pacifique.

Comme souvent après un tel choc, le fond marin se déforme brutalement, soulevant la colonne d’eau qui le surplombe. Un tsunami se forme alors, mais sans fracas. En pleine mer, il ne ressemble pas à ces murs d’eau spectaculaires que l’on voit dans les vidéos de catastrophes.

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Ce sont plutôt de longues ondulations, généralement de moins d’un mètre, étalées sur des centaines de kilomètres. Depuis le pont d’un navire, l’œil humain n’y verrait qu’une mer qui se soulève très lentement.

C’est justement ce caractère discret qui rend ces vagues si difficiles à étudier loin des côtes. Jusqu’ici, les sismologues et les océanographes devaient se contenter de mesures ponctuelles : une bouée ici, un marégraphe là, quelques signaux enregistrés au passage. Autrement dit, des fragments d’histoire, mais jamais le film complet du phénomène.

Image infrarouge du satellite GOES-11 montrant le bassin du Pacifique traversé par les vagues d’un tsunami après un séisme majeur.
Un autre satellite capte les ondes du tsunami à l’échelle du bassin pacifique, en fausses couleurs thermiques.
Crédit : NOAA / NASA GOES Project.
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Le satellite SWOT, une nouvelle paire de lunettes pour les chercheurs

Changement total de décor avec le satellite SWOT de la NASA. Conçu pour cartographier avec précision la hauteur de la surface des océans, il balaie une bande d’environ 120 kilomètres de large à chaque passage. C’est ce regard large, continu et très fin qui a permis pour la première fois de suivre un tsunami en plein cœur de l’océan.

Après le séisme des Kouriles-Kamtchatka, SWOT survole la zone et enregistre la déformation de la surface de la mer provoquée par la vague. Un des auteurs de l’étude parle d’une « nouvelle paire de lunettes » : jusque-là, on ne voyait qu’une poignée de points isolés dans l’immensité du Pacifique ; désormais, on découvre un véritable motif énergétique en mouvement.

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Mais saviez-vous que cette cartographie ne se limite pas à « voir » une bosse sur l’eau ? Les chercheurs exploitent chaque variation de hauteur pour reconstruire le comportement de la vague sur des centaines de kilomètres. En croisant ces données avec celles des bouées océaniques et des sismographes, ils peuvent vérifier, affiner ou corriger les modèles physiques utilisés depuis des décennies.

Image drone verticale d’une plage où la mer bleue profonde se heurte à un rivage doré, avec l’écume blanche dessinant une frontière nette.
Vu du ciel, le front des vagues rappelle la ligne que franchirait un tsunami en abordant la côte.
Crédit : Lance Asper / Unsplash

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Quand la vague se fragmente : la dispersion au cœur du tsunami

Pendant longtemps, les modèles considéraient que la grande vague principale traversait l’océan comme un seul bloc compact, un peu comme une énorme houle se déplaçant d’un seul tenant. L’image fournie par le satellite SWOT raconte une histoire bien différente.

Les données révèlent un motif beaucoup plus complexe : un réseau entrelacé de zones d’énergie, comme une couronne de vagues qui se déploie et se réorganise à mesure qu’elle progresse. Ce comportement correspond à un phénomène que les physiciens appellent la dispersion. Concrètement, l’énergie du tsunami se répartit entre les vagues de tête, celles qui arrivent en premier, et les vagues de queue, qui suivent parfois longtemps après.

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Ce détail que peu de gens connaissent est crucial : si l’on suppose qu’une seule vague massive arrive d’un coup, on risque de mal estimer le moment le plus dangereux pour un port ou une plage. En intégrant la dispersion dans les modèles, les scientifiques peuvent mieux prévoir non seulement l’heure d’arrivée, mais aussi la succession des vagues, leur rythme et leur hauteur de vague réelle près du rivage.

Pour les spécialistes des systèmes d’alerte aux tsunamis, c’est une petite révolution. La menace ne se résume plus à « une vague géante » à un instant donné, mais à une séquence de vagues, parfois séparées par plusieurs minutes, qui peuvent chacune porter une part significative d’énergie destructrice.

Comparaison en deux images satellite de la région de Sendai avant et après un tsunami, avec de larges zones côtières inondées.
À Sendai, la différence avant/après le passage d’un tsunami illustre la puissance de ces vagues côtières.
Crédit : NASA Earth Observatory.
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Un monstre invisible en mer qui peut devenir géant près du rivage

En haute mer, la simulation réalisée à partir des données de la NASA montre que la vague principale liée à ce séisme affiche une hauteur de vague d’environ 45 centimètres. À première vue, cela semble dérisoire, presque anodin sur une surface océanique souvent agitée par la houle et le vent.

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Pourtant, les tsunamis ne sont pas des vagues « ordinaires ». Là où une vague classique ne met en mouvement que quelques mètres d’eau en surface, le tsunami implique toute la colonne d’eau, du fond de l’océan jusqu’à la surface. Ce qui paraît n’être qu’une ondulation de 30 à 60 centimètres au large concentre en réalité une énergie colossale.

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Lorsque cette vague approche des côtes, la profondeur diminue, la vitesse de propagation ralentit, et l’arrière de la vague rattrape progressivement l’avant. L’énergie, elle, ne disparaît pas : elle se « redresse » en hauteur. C’est ainsi qu’une ondulation presque imperceptible en haute mer peut se transformer, une fois près du littoral, en une vague de plusieurs mètres. Dans le scénario étudié, ce type de signal au large peut correspondre à une vague d’environ neuf mètres dans des eaux peu profondes.

Pour les habitants des zones côtières, ce genre de transformation reste largement méconnu. On imagine qu’un tsunami destructeur doit forcément être visible de loin. En réalité, le danger naît précisément de cette contradiction : un phénomène quasi invisible en pleine mer qui se change en mur d’eau quelques kilomètres seulement avant la côte.

Vue aérienne de vagues turquoise venant mourir sur une plage de sable clair, photographiées par un drone au-dessus de l’océan.
En apparence paisible, la rencontre des vagues et du rivage cache parfois des forces bien plus redoutables.
Crédit : Matthew Kane / Unsplash
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Vers des alertes plus fines… et un risque limité pour l’Europe

Face à un tel phénomène, l’objectif n’est évidemment pas de supprimer le risque – impossible avec des séismes d’une telle puissance –, mais de le prévoir avec une précision inédite. En combinant les mesures du satellite SWOT, les données des bouées océaniques et les signaux enregistrés par les sismographes, les planificateurs peuvent affiner leurs scénarios d’impact, décider plus rapidement d’évacuer certaines zones et adapter leurs messages d’alerte.

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Un système d’alerte aux tsunamis plus fin permet aussi de mieux gérer les fausses alertes, qui nuisent à la confiance du public. Si l’on connaît plus précisément l’heure d’arrivée, la hauteur probable des vagues et les zones réellement exposées, les autorités peuvent éviter d’évacuer inutilement des milliers de personnes. À l’inverse, elles peuvent concentrer leurs efforts sur les ports, plages et estuaires les plus vulnérables.

Pour l’Europe, la situation est différente. Un tsunami généré dans le océan Pacifique, comme celui issu du séisme des Kouriles-Kamtchatka, n’a en principe aucun effet direct notable sur les côtes européennes. Les vagues se dissipent au fil de leur trajet, et leur énergie se répartit sur d’immenses distances. Le risque pour les côtes d’Europe reste donc très faible dans un tel scénario, même si le danger demeure bien réel pour les régions du Pacifique concernées.

La véritable nouveauté, et la plus grande promesse de cette observation unique, se trouve ailleurs. C’est la première fois qu’une vague issue d’un séisme de magnitude 8,8 est suivie en haute mer avec une telle finesse, montrant son maillage énergétique et sa dispersion, avant même qu’elle ne menace une côte.

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À la toute fin de l’étude, un chiffre résume l’ampleur du défi : la vague captée par SWOT ne mesurait qu’environ 45 centimètres en pleine mer… mais ce signal discret correspond potentiellement, près du littoral, à un mur d’eau pouvant atteindre neuf mètres de haut.

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