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Au large du Panama, un mystérieux bouleversement de l’océan intrigue les chercheurs

Publié par Killian Ravon le 01 Déc 2025 à 18:30

Chaque année, un mécanisme discret mais crucial se met en marche dans le golfe du Panama et fait littéralement respirer l’océan. En 2025, ce cycle s’est soudain grippé, pour la première fois depuis quatre décennies, laissant les scientifiques face à un silence océanique inattendu. Derrière ce dérèglement saisonnier se joue peut-être bien plus qu’un simple caprice météo pour les tropiques.

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Petite barque de pêcheurs dérivant sur un vaste océan bleu au large du Panama, avec côte brumeuse et ciel pâle à l’horizon.
Au large du Panama, les pêcheurs scrutent un océan calme dont les signes vitaux intriguent désormais les scientifiques.

L’épisode, observé entre décembre et avril 2025, inquiète autant les océanographes que les spécialistes du climat. Car ce qui s’est passé au large du Panama ne menace pas seulement quelques poissons : c’est tout un équilibre biologique et atmosphérique qui semble avoir vacillé, avec des conséquences encore difficiles à cerner.

La vidéo du jour à ne pas manquer
Vue panoramique de Panama City avec gratte-ciel modernes, bande côtière et océan bleu sous un ciel dégagé et quelques nuages
Panama City face à un océan qui, en 2025, n’a pas suivi son cycle habituel.
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Dans le golfe du Panama, un cycle océanique vital se brise

En temps normal, l’histoire est bien rodée. À partir de décembre, les vents alizés venus du nord balaient la surface de l’océan au large du Panama. Ils repoussent les eaux chaudes vers le large et laissent la place à des eaux profondes froides, riches en nutriments, qui remontent vers la surface.

Ce mouvement vertical porte un nom : l’upwelling. Invisible à l’œil nu, il agit pourtant comme un ascenseur géant pour les sels nutritifs enfouis dans les profondeurs. Dès que ces nutriments atteignent la lumière, le phytoplancton s’emballe, colorant la mer et formant la base d’une chaîne alimentaire qui nourrit poissons, calmars, oiseaux marins et mammifères.

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Dans le golfe du Panama, ce scénario se répète habituellement chaque année jusqu’au printemps. Les chercheurs le surveillent depuis quarante ans, habitués à voir ces remontées d’eau froide rythmer la saison sèche. Jamais, jusqu’en 2025, ils n’avaient observé une année où ce souffle vertical disparaissait totalement.

Récif corallien tropical rempli de poissons multicolores nageant autour de coraux bleus, verts et jaunes dans une eau profonde et claire
Un écosystème foisonnant qui dépend directement des apports en nutriments des profondeurs.

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Quand l’upwelling nourrit – ou affame – la vie marine

L’upwelling panaméen est bien plus qu’un phénomène océanographique élégant. C’est un moteur biologique qui conditionne directement la productivité marine de toute la région. Lorsque les eaux profondes remontent, elles dopent la croissance du plancton, qui nourrit ensuite maquereaux, sardines et pêcheries côtières entières.

Cette fertilisation naturelle joue aussi un rôle de bouclier thermique. En apportant de l’eau plus fraîche en surface, l’upwelling limite les coups de chaud sur les récifs coralliens tropicaux. Ces épisodes de refroidissement saisonnier aident les coraux à encaisser des températures devenues, ces dernières années, de plus en plus élevées.

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En 2025, pourtant, les satellites ont envoyé un tout autre signal. Au lieu des zones vertes riches en chlorophylle, signe d’un océan foisonnant, les images ont révélé une vaste étendue appauvrie. La quasi-absence de chlorophylle traduisait la chute brutale de la production de plancton, comme si la mer avait soudainement manqué de nourriture. Pour les scientifiques du Smithsonian Tropical Research Institute (STRI) et du Max-Planck Institute, l’océan tropical panaméen semblait avoir perdu son souffle habituel.

Petite maison en bois sur pilotis au bord d’une mangrove verdoyante au Panama, construite au-dessus d’une eau calme et réfléchissante
Des communautés entières dépendent directement de la santé de ces eaux côtières.

En 2025, le moteur océanique cale brutalement

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Sur le terrain, les équipes embarquées à bord du navire océanographique S/Y Eugen Seibold ont confirmé ce que les satellites laissaient deviner. Les instruments, qui mesurent habituellement les contrastes de température et les mouvements verticaux, ont enregistré une colonne d’eau étonnamment uniforme. Aucun signe de remontée d’eau froide, aucun indice d’activité verticale significative.

Cette année-là, les maquereaux, les sardines et plusieurs céphalopodes se sont raréfiés dans les zones de pêche habituelles. Les captures ont chuté, frappant de plein fouet la pêche artisanale qui dépend de ces stocks saisonniers. Dans certaines communautés côtières, la mer, qui offre habituellement l’essentiel des protéines animales, a soudain rapporté beaucoup moins.

Le choc n’a pas touché que les poissons. Privés de refroidissement naturel, les récifs coralliens locaux ont subi des épisodes de blanchissement plus marqués, aggravés par des températures de surface déjà élevées. Les chercheurs ont également observé une baisse de l’oxygène dissous dans certaines zones et une hausse du risque d’infections marines, signes d’un milieu sous stress où la faune benthique – celle qui vit au fond – se retrouve directement menacée.

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Plage du Panama avec vol d’oiseaux marins au-dessus des vagues, bateau de pêche et groupe de personnes rassemblées près de l’eau
Quand les poissons disparaissent, les filets et les oiseaux restent les premiers à le montrer.

Un dérèglement des vents qui interroge le climat

Pourquoi le système s’est-il soudain arrêté en 2025, après quarante ans de régularité ? Les analyses pointent un coupable principal : l’affaiblissement exceptionnel des alizés. Sans vents suffisamment forts pour pousser les eaux chaudes de surface, le contraste de pression atmosphérique nécessaire à la remontée des eaux profondes n’a tout simplement pas été créé.

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Le climatologue Andrew Sellers avance plusieurs pistes. Une oscillation naturelle du Pacifique, à l’échelle de quelques décennies, pourrait avoir temporairement modifié la circulation atmosphérique dans la région. Mais une autre hypothèse, plus inquiétante, se dessine en toile de fond : l’influence du changement climatique sur la structure des vents tropicaux.

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Les modèles atmosphériques suggèrent que le réchauffement global modifie peu à peu la répartition des pressions dans les tropiques. Dans ce contexte, les configurations favorables à l’upwelling panaméen pourraient devenir moins fréquentes, voire plus irrégulières. Pour l’instant, les scientifiques se gardent d’affirmer que l’épisode 2025 est uniquement lié au climat anthropique, mais il s’inscrit clairement dans un océan déjà bousculé par des vagues de chaleur et des anomalies persistantes.

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Tropiques sous surveillance : ce que révèle l’épisode panaméen

Au-delà du cas local, cette saison sans upwelling met en lumière un angle mort de la surveillance climatique mondiale. Contrairement aux grandes régions d’upwelling tempérées, mieux instrumentées, les zones tropicales restent peu couvertes par des réseaux de capteurs et de bouées. Sans la campagne océanographique menée cette année-là, l’arrêt du phénomène serait probablement passé inaperçu.

Ce manque de données est problématique, car les écosystèmes marins tropicaux soutiennent directement la sécurité alimentaire de millions de personnes. Dans le golfe du Panama comme ailleurs, la moindre variation durable de la productivité se répercute rapidement sur les revenus de la pêche, l’accès aux protéines et la stabilité économique de villages entiers.

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Les auteurs de l’étude, publiée dans la revue PNAS, appellent donc à renforcer la recherche en zone tropicale. Ils préconisent le déploiement de capteurs océano-climatiques, de programmes de suivi coordonnés et d’observations répétées dans le temps. Mais saviez-vous que, jusque-là, une saison entière sans remontée d’eaux froides dans cette région n’avait jamais été documentée ? Ce détail que peu de gens connaissent montre à quel point certaines pièces du puzzle climatique restent à découvert.

Petit poisson coloré nageant au-dessus d’un récif corallien lumineux, avec polypes bleus et orangés dans une eau tropicale claire
Les récifs coralliens sont parmi les premiers à payer le prix d’un océan qui se réchauffe.

Un océan tropical à la croisée des chemins

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Pour les chercheurs, l’absence d’upwelling en 2025 ne peut pas être rangée dans la catégorie des simples anomalies saisonnières. Elle ressemble plutôt à un avertissement : celui d’un océan tropical dont le fonctionnement commence à changer sous la pression combinée des vents, des températures et de la stratification accrue des couches d’eau.

À court terme, un tel épisode signifie moins de nutriments, moins de plancton et des poissons qui se font rares. À moyen terme, la répétition de saisons sans upwelling pourrait conduire à de véritables effondrements locaux d’écosystèmes, avec une chute durable de la biodiversité et des pertes irréversibles pour les communautés qui vivent de la mer. Les récifs, déjà fragilisés par les vagues de chaleur, verraient leur capacité de résilience se réduire encore un peu plus.

Les auteurs de l’étude préviennent qu’il est encore trop tôt pour dire si 2025 marque le début d’une nouvelle norme ou un événement isolé. Mais ils insistent sur un point : si les conditions de vent continuent de s’affaiblir au cours des prochaines décennies, les remontées d’eaux profondes pourraient devenir l’exception plutôt que la règle.

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Et la révélation qui se dessine en toute fin d’analyse est brutale : si ce type de saison sans upwelling venait à se répéter, c’est tout un pan de la vie marine tropicale, économique et écologique, qui pourrait s’éteindre silencieusement au large du Panama.

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