Contrôle des arrêts maladie : l’Assurance Maladie peut désormais vous contrôler en visio
Vous êtes en arrêt et vous redoutez une vérification imprévue ? Depuis décembre, l’Assurance Maladie a élargi ses moyens de contrôle, avec une procédure pensée pour gagner du temps. Objectif affiché : mieux cibler les abus, sans multiplier systématiquement les déplacements.
Vous êtes en arrêt de travail et, en plus de la fatigue ou de la douleur, une autre inquiétude s’invite parfois : la crainte d’un contrôle. Entre les horaires de sortie à respecter et les démarches administratives, la période n’a rien d’un long fleuve tranquille. Or, depuis le mois de décembre, une nouvelle façon de vérifier certains dossiers est entrée dans le paysage, avec une promesse implicite : aller plus vite, sans forcément se déplacer.
Quand un arrêt déclenche une vérification
Dans l’imaginaire collectif, le contrôle ressemble à une visite surprise, à la maison, un matin ou en début d’après-midi. Ce scénario existe bel et bien. Lorsqu’un arrêt mentionne des plages d’interdiction de sortie, un agent peut venir vérifier que la personne est présente à son domicile pendant ces créneaux. L’objectif est simple : s’assurer que les conditions indiquées sur le document sont respectées.
Mais il y a un autre type de vérification, plus médical. Dans ce cas, ce n’est pas une question d’horaires, mais d’état de santé. Un praticien peut être mandaté pour vérifier si la situation justifie l’arrêt, au regard du dossier et de ce qui est déclaré. Dans ces moments-là, le ressenti est souvent le même : on peut avoir l’impression de devoir « prouver » qu’on est vraiment malade.
Ces contrôles ne se limitent pas aux arrêts classiques. La CNAM indique que la procédure peut aussi concerner un accident du travail, une maladie professionnelle ou certaines demandes d’invalidité. Autrement dit, dès qu’un dossier ouvre des droits et repose sur une appréciation médicale, la possibilité d’une vérification peut exister.
Pourquoi l’Assurance Maladie serre la vis
Le renforcement des contrôles s’inscrit dans une dynamique plus large. La CNAM explique vouloir endiguer les arrêts abusifs, avec en ligne de mire un phénomène qui a pris de l’ampleur : la fraude liée aux indemnisations. Sur ce point, les chiffres communiqués sont parlants.
Selon l’institution, les fraudes aux indemnités journalières ont bondi en 2024, atteignant 42 millions d’euros, contre 17 millions d’euros en 2023. Cette hausse s’explique principalement par la recrudescence de faux arrêts vendus sur les réseaux sociaux ou sur des sites Internet. Ce détail que beaucoup ignorent, c’est que le problème ne vient pas seulement de « petits arrangements » isolés, mais aussi de documents fabriqués et diffusés comme un produit.
Pour autant, il ne s’agit pas de transformer chaque arrêt en suspicion généralisée. L’enjeu, tel qu’il est présenté, consiste plutôt à mieux cibler, mieux vérifier et décider plus rapidement, en distinguant les situations qui nécessitent un examen complet de celles qui peuvent être tranchées autrement.
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Un contrôle annoncé, et un droit de demander du présentiel
L’une des évolutions récentes est la manière dont le contrôle peut être organisé. Dans ce nouveau cadre, l’assuré n’est pas pris au dépourvu : il est prévenu au moins deux jours à l’avance. Le jour convenu, il doit simplement être disponible et se connecter avec l’équipement dont il dispose, qu’il s’agisse d’un smartphone, d’une tablette ou d’un ordinateur.
À ce stade, une question revient souvent : quel intérêt à contrôler une personne si elle est avertie ? Justement, le principe n’est pas de « surprendre », mais de pouvoir échanger vite et de façon structurée. Et si l’assuré préfère un rendez-vous en cabinet, il peut en faire la demande. Le présentiel reste donc une option, ce qui permet d’éviter l’idée d’un basculement imposé pour tout le monde.
Dans la pratique, cela change le vécu du contrôle. On n’attend plus une visite au hasard, on prépare un rendez-vous. On anticipe aussi l’aspect très concret : avoir de la batterie, une connexion, un environnement calme pour parler. Ce n’est pas une formalité, mais ce n’est pas non plus une intrusion à domicile.
Ce que le médecin-conseil peut décider sans examen physique
L’argument central avancé par l’Assurance Maladie est le suivant : pour juger si un arrêt est justifié, un examen clinique n’est pas systématiquement indispensable. Le contrôle n’a pas vocation à remplacer une consultation, mais à apprécier la cohérence d’un dossier à un instant donné.
Dans ce type d’échange, le médecin-conseil peut accéder au dossier médical du patient, notamment aux traitements et aux résultats d’examens. Il peut aussi, si nécessaire, échanger avec le médecin traitant. En croisant ces éléments avec la discussion, il peut estimer si la personne doit poursuivre l’arrêt, reprendre le travail ou envisager un retour progressif en mi-temps thérapeutique.
Pour les assurés, cela implique une réalité parfois déroutante : le contrôle s’appuie moins sur « ce qu’on voit » que sur ce qu’on comprend. La capacité à expliquer, à décrire l’évolution, à parler de son quotidien et de ses difficultés devient un élément central de l’entretien. C’est aussi pour cela que la préparation n’est pas qu’une question d’outil numérique : c’est une mise au point sur sa situation.
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Des cas où la distance a du sens… et d’autres où elle atteint ses limites
La CNAM le reconnaît : tous les arrêts ne se prêtent pas à un contrôle à distance. Certaines situations sont plus compatibles avec un échange approfondi qu’avec un examen physique. L’exemple cité est celui d’un syndrome dépressif ou d’un burn-out, où la discussion et l’évaluation globale occupent une place importante.
À l’inverse, lorsqu’un arrêt est lié à une douleur ou à une gêne mécanique, comme un problème sur une articulation (genou, cheville, poignet…), l’absence d’examen clinique peut rendre l’exercice moins pertinent. Dans ces cas, l’observation, la palpation ou certains tests physiques sont souvent nécessaires pour apprécier correctement la situation. La distance ne suffit pas, et le présentiel peut reprendre toute sa place.
C’est ici que la logique de « tri » devient essentielle. Dans certains dossiers, un échange à distance peut permettre de conclure rapidement que l’arrêt se poursuit normalement. Dans d’autres, il peut au contraire conduire à orienter vers un contrôle en cabinet. Et parfois, il peut déboucher sur une décision plus nette, si les éléments médicaux et l’entretien ne convergent pas.
Un test mené durant l’été 2025 et une nouvelle organisation du contrôle
Avant la généralisation, le dispositif a été testé dans trois régions entre juillet et septembre 2025. D’après la CNAM, les médecins-conseils ont mis fin à 38 % des arrêts contrôlés à distance. Ce chiffre dit quelque chose de la philosophie du dispositif : il ne s’agit pas seulement de « vérifier pour vérifier », mais de disposer d’un levier pour décider, parfois, d’un arrêt plus court ou d’une reprise.
L’autre changement est organisationnel. L’Assurance Maladie explique qu’un médecin-conseil basé dans une caisse primaire peut contrôler un assuré affilié à une autre caisse. Cette souplesse permet de mieux répartir l’activité sur l’ensemble du territoire, selon les besoins des départements, plutôt que de concentrer la charge sur quelques équipes.
Pour les assurés, la conséquence est double. D’un côté, le contrôle devient potentiellement plus simple à programmer. De l’autre, il peut aussi devenir plus facile à déclencher, puisqu’il ne dépend plus toujours d’un déplacement. Ce qui, en pleine période de décembre, au moment où la lutte contre les faux documents est mise en avant, change concrètement l’expérience d’un arrêt.
Et c’est précisément la nouveauté que beaucoup découvrent seulement au dernier moment : certains contrôles peuvent désormais se faire lors d’un contrôle médical… en visio.