« Les voitures chinoises sont bourrées de technologie » : le patron de Lynk & Co dévoile sa stratégie pour conquérir l’Europe
À l’approche de 2026, Lynk & Co accélère en Europe avec une ambition clairement affichée. Et une méthode qui tranche avec les recettes classiques pour les voitures.
À la manœuvre, son PDG Nicolas Lopez Appelgren décrit une marque « hybride » qui veut gagner vite, dans un marché tendu. En s’appuyant sur l’écosystème Volvo… et sur une montée en puissance très calculée.
Une marque « hybride » qui assume son ADN sino-européen
Dans le paysage automobile européen, Lynk & Co avance avec une promesse simple à comprendre mais plus complexe à exécuter : conjuguer un design européen et une fabrication chinoise. Nicolas Lopez Appelgren insiste sur cette double identité, qu’il présente comme un avantage compétitif plutôt qu’un compromis. Le style est pensé à Göteborg, en Suède, tandis que l’outil industriel s’appuie sur des sites chinois.
Cette organisation s’inscrit dans la galaxie Geely, le groupe chinois qui détient aussi Volvo. Pour Lynk & Co, l’enjeu est de transformer ce lien capitalistique en levier concret sur le terrain, au moment où l’Europe voit arriver « beaucoup de nouveaux entrants » et où la bataille se joue, selon lui, en allant chercher des clients ailleurs.
Le dirigeant ne maquille pas la réalité : vendre davantage, c’est forcément grignoter des parts à d’autres. Et dans ce contexte, la marque veut se positionner entre les généralistes et le premium, avec une image plus jeune, plus contrastée, et des voitures qui se veulent très équipées.
Une expansion au pas de charge : pays, volumes, objectifs
Lorsque Nicolas Lopez Appelgren prend ses fonctions en 2023, Lynk & Co est présente dans sept pays. L’idée, à ses yeux, est alors d’élargir rapidement le terrain de jeu pour aller chercher des volumes plus proches de ceux d’une marque installée.
Le calendrier est déjà posé : avec l’arrivée en Suisse et en Autriche en janvier 2026, Lynk & Co vise 25 marchés. En parallèle, la marque avance aussi via des importateurs : l’un basé en Slovénie, qui la représente dans 12 pays d’Europe du Sud-Est, et un autre qui couvre les trois pays baltes.
Sur la route, la marque revendique déjà entre 70 000 et 75 000 véhicules en circulation en Europe. Et l’objectif chiffré est net : 30 000 ventes en 2026, contre environ 11 000 cette année, dont 703 en France. Les trois premiers marchés cités sont les Pays-Bas, la Suède et l’Espagne.
Derrière ces chiffres, le message est clair : Lynk & Co veut passer d’une curiosité automobile à un acteur identifié, capable de tenir une trajectoire de croissance malgré un marché européen jugé « bas à court terme ».
eTrois modèles pour bâtir une gamme… et en annoncer une autre
Pour soutenir cette montée en puissance, Lynk & Co s’appuie aujourd’hui sur trois modèles. Le 01 reste central, avec un nouveau groupe motopropulseur et un système d’infodivertissement mis à jour. Le 02 est présenté comme un SUV électrique à 100 %. Et le 08, un hybride rechargeable, est décrit comme un leader en Europe sur son créneau, avec un record annoncé de 200 km d’autonomie électrique.
Mais saviez-vous que, dans la tête du dirigeant, cette offre n’est qu’un début ? Il explique qu’il faudra probablement, dans les quatre prochaines années, une gamme d’environ cinq véhicules pour « bien croître ». Et il précise déjà la direction : compléter avec des modèles moins grands que le 08 afin de faire du volume.
Cette projection dit beaucoup de la stratégie : installer une base crédible avec une gamme courte, puis densifier rapidement pour couvrir plus d’usages, plus de budgets et plus de canaux de financement.
Volvo comme rampe de lancement : distribution, pièces et après-vente
Dans un marché où la confiance se construit aussi à l’atelier, Lynk & Co veut transformer son lien avec Volvo en avantage opérationnel. Nicolas Lopez Appelgren souligne que la marque va s’appuyer sur le réseau Volvo et être intégrée à son réseau de distribution de pièces détachées, un point faible identifié auparavant.
Ce détail compte énormément : quand une marque se développe vite, la perception client ne dépend pas seulement du produit, mais de la capacité à réparer, entretenir, et immobiliser le moins possible. Et sur ce point, l’accès à une logistique éprouvée devient un accélérateur très concret.
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Le dirigeant pousse aussi l’idée d’une complémentarité plus culturelle que strictement produit. Volvo, selon lui, joue le premium face à Audi, BMW ou Mercedes, avec un design scandinave « élégant ». Lynk & Co se place plutôt au milieu de gamme, avec un prix moins élevé, plus proche de Kia ou Cupra, et une clientèle environ dix ans plus jeune que celle de Volvo.
En France, la stratégie est encore en consolidation : 16 concessionnaires signés et 53 ateliers. Il admet qu’il en faudra probablement davantage, mais affirme vouloir d’abord faire réussir les partenaires déjà en place, en travaillant à la fois les particuliers et les flottes d’entreprise, notamment via des offres de leasing.
Technologie, droits de douane et « barrière émotionnelle » : la marque se dit prête
Sur le sujet sensible de l’image des voitures chinoises en Europe, Nicolas Lopez Appelgren se veut confiant. Il compare la situation à l’arrivée des Japonais dans les années 1970, puis des Coréens, avec une acceptation progressive au fil du temps.
Sa thèse est directe : aujourd’hui, les voitures chinoises seraient déjà de très bonne qualité et « remplies de technologie » que les marques européennes ne peuvent pas encore égaler. Il assume la dimension politique et émotionnelle du débat, tout en expliquant ne pas craindre un blocage durable.
Autre sujet brûlant : les droits de douane. Il précise que les hybrides rechargeables ne sont pas concernés comme l’est le modèle électrique 02. Pour ce dernier, il évoque une surtaxe de 20 %, conduisant à un total d’environ 30 % de droits de douane. Il ajoute que la marque ne fixe pas ses prix en fonction de ces droits et surveille la rentabilité.
Enfin, sur une possible localisation en Europe, il reste prudent : il indique que Geely prospecte des opportunités en Europe « à plus grande échelle », sans détailler davantage.
Hybride rechargeable, électrique et cap 2035 : un discours sans fard
Interrogé sur la perspective réglementaire de 2035, le dirigeant défend une position nuancée. Il dit croire aux hybrides rechargeables à moyen terme, notamment parce qu’une infrastructure complète de recharge n’est pas disponible partout. L’exemple qu’il prend est très parlant : partir en vacances, et garder un moteur thermique comme filet de sécurité si l’on ne veut pas s’arrêter pour recharger.
À l’inverse, il juge que le véhicule électrique fonctionne tant qu’il y a des subventions gouvernementales, et que lorsque celles-ci disparaissent, le marché semble s’effondrer. Selon lui, la « demande naturelle » n’est pas encore là.
Sur le prix, il ne cherche pas l’esquive non plus. Le 08, autour de 54 000 euros, est qualifié de cher, tout en étant présenté comme le plus grand véhicule de la gamme. Là encore, la suite logique est annoncée : des modèles plus compacts seront nécessaires pour aller chercher du volume.
Le détail qui change tout pour 2026
Depuis son arrivée, Nicolas Lopez Appelgren explique avoir élargi les canaux, les modèles, puis les pays couverts, justement pour toucher des volumes que l’on ne capte pas avec une seule façon d’acquérir une voiture. Car l’Europe, rappelle-t-il, achète encore massivement via les entreprises, les financements et les montages variés.
C’est aussi pour cette raison qu’un choix fondateur, qui avait fait énormément parler de Lynk & Co lors de son lancement européen en 2020, va disparaître. La marque avait misé sur une formule d’usage très épurée, pensée comme un abonnement automobile avec une offre simplifiée.
Or, selon son PDG, ce système va être arrêté au cours de l’année 2026, au profit des ventes et financements plus classiques, tout en conservant la possibilité de louer sa voiture via l’application façon mise à disposition entre particuliers.