Temps de travail : Aymeric Caron veut instaurer la semaine de 15 heures
La question du nombre d’heures passées au travail revient une nouvelle fois au cœur du débat politique. Ce mercredi, le député Aymeric Caron a dévoilé une proposition qui bouleverserait complètement l’organisation des semaines professionnelles.
En pleine fin d’année 2025 marquée par les polémiques sur les jours fériés. Il pousse l’idée d’une réduction inédite du temps de travail. Qu’il présente comme une véritable solution d’émancipation sociale.
Un élu qui veut « émanciper » les citoyens par le temps libre
Sur le réseau X, le député parisien. Apparenté au groupe insoumis et élu dans le XVIIIᵉ arrondissement, a défendu sa vision d’un temps de travail hebdomadaire radicalement réduit. Selon lui, « à terme », cette transformation serait tout simplement « la seule solution » pour permettre aux citoyennes et citoyens de s’approprier à nouveau leur temps. Derrière cette formule, il ne s’agit pas d’un simple ajustement marginal, mais d’un projet qui conduirait à ne travailler que quelques heures par semaine.
Dans son message, l’élu assume un objectif clairement émancipateur. Il présente cette baisse massive du temps de travail comme un moyen de libérer du temps pour la vie personnelle, l’engagement associatif, la création, ou tout simplement le repos. Il suggère que la société pourrait fonctionner autrement, en produisant suffisamment de richesses tout en laissant beaucoup plus de place aux autres dimensions de la vie.
L’idée évoque immédiatement un horizon presque déroutant : celui d’un week-end de cinq jours, où le travail ne serait plus qu’une petite part de la semaine. Ce scénario reste théorique, mais le député affirme qu’il doit être pris au sérieux, au moment où la France débat encore des effets des dernières réformes sur le travail et les jours de repos.
À gauche, la réduction du temps de travail comme horizon récurrent
La sortie d’Aymeric Caron s’inscrit dans une histoire longue de réduction du temps de travail portée par les forces de gauche. Depuis des années, plusieurs partis défendent l’idée de partager davantage le travail disponible, afin de lutter contre le chômage et d’améliorer la qualité de vie. Son intervention ne tombe donc pas du ciel, mais réactive un vieux réflexe politique : moins travailler individuellement pour mieux répartir l’emploi.
Cet été encore, la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier plaidait devant le Medef pour que la question soit abordée « secteur par secteur ». Elle proposait que le patronat et les syndicats discutent de la baisse des horaires en fonction des réalités de chaque branche, afin de mieux répartir les heures travaillées et d’éviter les oppositions frontales. Une manière de rappeler que, pour une partie de la classe politique, la durée du travail n’est pas figée.
Une solution déjà proposé par le NFP
Le programme du Nouveau Front populaire, lors des dernières législatives, reprenait d’ailleurs ces thèmes. Il y était question de « rétablissement de la durée effective hebdomadaire du travail à 35 heures », comme pour rappeler que la durée légale n’est pas toujours respectée dans les faits. Le texte défendait aussi un passage à 32 heures pour les métiers pénibles ou de nuit dans un premier temps, avec l’idée d’étendre ensuite cette norme par la négociation collective. Ce détail, que peu de gens connaissent, montre que la bataille des heures est déjà inscrite noir sur blanc dans les propositions de la gauche.
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Dans ce contexte, la sortie d’Aymeric Caron ne fait que pousser un peu plus loin une dynamique existante. Là où certains parlent de semaine de quatre jours à 32 heures, lui envisage une baisse encore plus nette, comme s’il voulait aller au bout de la logique défendue par son camp politique depuis des années.
Des propositions très concrètes formulées dès l’été
Le député n’en est pas à son coup d’essai. Lors des universités d’été de son micro-parti Révolution écologique pour le vivant, il avait déjà décrit, de manière détaillée, le modèle de société qu’il appelle de ses vœux. Il y évoquait une refonte globale du rapport au temps, qui ne se limite pas aux seules semaines travaillées.
Parmi les mesures avancées, il disait par exemple soutenir un congé parental de cinq ans, bien plus long que ce qui existe aujourd’hui. Une telle durée transformerait profondément les premières années de la vie familiale, en permettant aux parents de consacrer beaucoup plus de temps à leurs enfants sans renoncer définitivement à leur activité professionnelle. Là encore, l’idée est d’inscrire la question du temps au cœur des politiques publiques.
Sur la durée du travail elle-même, Aymeric Caron refusait déjà de s’arrêter aux 32 heures, souvent évoquées comme nouvelle norme possible. Il expliquait qu’il souhaitait, « dans un premier temps », voir la durée hebdomadaire descendre à environ 20 heures. Ce seuil serait pour lui une étape vers un modèle encore plus ambitieux, déjà esquissé mais pas encore complètement assumé devant l’opinion.
Ce qui frappe, dans ces prises de parole successives, c’est la cohérence du projet : une société où l’on travaillerait beaucoup moins longtemps chaque semaine, où la parentalité serait largement facilitée, et où le temps libre deviendrait presque un nouveau droit fondamental. Reste à savoir jusqu’où cette vision peut aller sans fracturer le débat public.
Quand John Maynard Keynes imaginait déjà un monde avec beaucoup moins de travail
Pour défendre sa thèse, le député convoque une figure inattendue : John Maynard Keynes. L’économiste britannique est l’un des penseurs majeurs du XXᵉ siècle, loin de l’image d’un théoricien « marginal » ou militant radical. En s’appuyant sur lui, Aymeric Caron cherche clairement à montrer que cette idée de travailler beaucoup moins n’est pas une lubie récente de militants de gauche.
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Keynes avait en effet imaginé qu’avec les gains de productivité, le travail nécessaire à la satisfaction des besoins matériels finirait par fortement diminuer. Selon ses projections, à l’horizon 2030, une semaine de travail très courte suffirait à produire les richesses indispensables à la société. L’économiste anticipait ainsi un monde où la question centrale ne serait plus tant « comment travailler plus », mais « que faire du temps libre supplémentaire ».
Le député souligne que Keynes n’était « pas un dangereux gauchiste », comme pour couper court à toute accusation d’utopie extrême. Il ajoute que l’économiste n’avait pas prévu l’« émergence mortifère » du néolibéralisme et de ce qu’il décrit comme un esprit de prédation sans limites. Autrement dit, si la prédiction ne s’est pas réalisée, ce serait, selon lui, parce que l’organisation économique choisie a favorisé l’accumulation plutôt que le partage des fruits de la croissance.
En citant Keynes, Aymeric Caron tente aussi d’inscrire sa proposition dans une perspective historique. Il laisse entendre que ce que certains jugent irréaliste aujourd’hui correspond en réalité à un horizon envisagé par un économiste de référence, il y a près d’un siècle. Mais saviez-vous que la durée précise imaginée par Keynes rejoint presque exactement le seuil que le député veut désormais inscrire au cœur du débat français ?
Week-end de cinq jours : ce que la proposition de Caron changerait vraiment
C’est là que sa proposition prend tout son sens, et que la fameuse « semaine de 15 heures » sort enfin de l’ombre. Le député affirme qu’« à terme », son projet consiste bien à réduire la durée hebdomadaire du travail jusqu’à ce seuil symbolique. Une telle organisation laisserait la majeure partie de la semaine libre, au point que certains imaginent déjà, comme le suggère la formule, un week-end de cinq jours.
Aymeric Caron détaille par ailleurs une trajectoire progressive. Lors de ses interventions estivales, il proposait d’abord un passage à environ 20 heures de travail par semaine, avant de viser cette barre plus basse. L’idée est donc de ne pas basculer du jour au lendemain, mais de franchir les étapes une à une, avec une répartition différente des heures et des emplois.
Ce scénario rejoint exactement la prédiction de Keynes, qui estimait qu’en 2030 la semaine de quinze heures suffirait pour produire les richesses nécessaires à la société. En citant le penseur britannique, le député cherche à montrer que son projet ne sort pas de nulle part : il s’inscrit dans une réflexion plus large sur les effets de la productivité et sur le partage du travail. Pour lui, l’erreur serait de continuer à accumuler les heures alors que la technologie permettrait de faire autant, voire plus, avec beaucoup moins.
Une logique à renverser
Dans sa déclaration de ce mercredi, il insiste sur le fait que Keynes ne relevait pas d’un camp radical et qu’il n’avait simplement pas vu venir le modèle économique actuel. Le député affirme que l’extension du temps de travail hebdomadaire n’est pas une fatalité et qu’il faut oser renverser la logique. Il oppose ainsi son horizon de réduction massive du temps de travail aux recentrages qui, ces derniers mois, évoquent plutôt la possibilité de supprimer des jours fériés ou de rallonger les semaines.
Reste une question centrale : cette idée sera-t-elle vraiment discutée à l’Assemblée, alors que le souvenir des deux jours fériés potentiellement supprimés reste vif dans l’opinion ? Pour l’instant, la semaine de quinze heures demeure un horizon théorique, une proposition isolée dans le paysage politique. Mais le simple fait qu’un député la présente comme « la seule solution » pour libérer les citoyens montre à quel point le débat sur la place du travail dans nos vies est loin d’être clos.