Arrêts maladie : le gouvernement durcit les règles, ce qui va changer à la rentrée
Les arrêts maladie changent de visage. Derrière une évolution que l’on pourrait croire technique se cache en réalité un virage important voulu par la Cnam. Le message est clair : sécuriser le parcours de l’arrêt de travail et s’attaquer aux pratiques frauduleuses qui grèvent les comptes publics. La réforme a été amorcée il y a plusieurs mois et entre pleinement en vigueur avec la rentrée.
Dans les faits, le calendrier a laissé aux médecins et aux employeurs le temps de s’adapter. Mais la période de tolérance est désormais terminée. À partir de maintenant, les anciennes habitudes ne suffisent plus et chacun doit composer avec un cadre plus strict, pensé pour rendre la fraude plus coûteuse et plus risquée.
Pourquoi la Sécu change les arrêts
La motivation est simple : couper court aux falsifications. Les anciens formulaires papier d’arrêt maladie ne comportaient pas de dispositif de sécurité particulier. Cela a ouvert la porte à des pratiques opportunistes, parfois orchestrées par des réseaux structurés. L’Assurance maladie a donc choisi d’agir en amont, au niveau même du support, pour rendre la manipulation plus difficile.
Cette logique de prévention répond à un double impératif. Il s’agit d’abord de protéger les cotisations de tous. Il s’agit ensuite de simplifier les contrôles en donnant aux caisses un outil lisible, traçable et plus aisément vérifiable.
Ce que change un arrêt « sécurisé »
L’expression peut sembler abstraite, mais elle recouvre des éléments concrets. Le nouvel formulaire d’arrêt de travail intègre des systèmes de vérification et un QR code destiné à authentifier le document. Le principe est d’ajouter une couche de fiabilité visible qui permet, en cas de doute, de confronter rapidement le papier présenté et l’information attendue par la caisse.
Dans la pratique, cette sécurisation vise à rendre inutile la duplication artisanale de formulaires, et beaucoup plus risquée la production de faux. Elle donne également un point d’appui aux employeurs, qui savent que l’arrêt remis par le salarié obéit désormais à un format national contrôlable.
Un délai de grâce… désormais échu
Pour accompagner la transition, la Sécu avait accordé une fenêtre de mise en conformité. Cette tolérance touchait spécifiquement l’abandon du vieux formulaire papier 10170*07. Elle visait les généralistes comme les autres prescripteurs, afin que chacun puisse faire évoluer son logiciel, son organisation et son matériel sans rupture de service.
Ce délai a pris fin à la rentrée. L’adoption du nouvel arrêt de travail sécurisé ne relève plus de la bonne volonté. Elle devient la norme à respecter, pour éviter que des documents obsolètes continuent à circuler sans garde-fous suffisants.
La facture de la fraude pèse sur tous
La fraude liée aux arrêts maladie n’est pas, de l’aveu même des autorités, la majorité des cas. Elle n’en représente pas moins un coût sensible pour les finances sociales. C’est précisément cette addition, considérée comme évitable et injuste, qui a servi d’aiguillon à la réforme. Les responsables de l’Assurance maladie ont rappelé qu’un renforcement des contrôles pouvait produire des économies immédiates, sans remettre en cause les droits légitimes des assurés.
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Dans un contexte où chaque euro compte, les chiffres avancés ces derniers mois ont contribué à installer l’idée qu’une action ciblée était nécessaire. Ce changement structurel par le QR code et la vérification intégrée est la première brique de ce plan.
Des réseaux organisés, une réponse plus robuste
Si la Sécu resserre la vis, c’est aussi parce que les falsifications ne relevaient pas seulement d’initiatives isolées. Des circuits organisés ont prospéré, notamment sur certains réseaux sociaux. Les canaux de diffusion étaient rapides, et l’apparente simplicité des anciens formulaires favorisait l’illusion d’impunité.
La réponse passe par un support plus difficile à copier et par une traçabilité immédiatement exploitable. En rendant plus complexe la fabrication de faux arrêts maladie, la Cnam espère tarir la demande et assécher l’offre. Le but n’est pas de compliquer la vie du patient réellement malade, mais de rendre stérile un marché parallèle qui reposait sur la faiblesse du document d’origine.
Les médecins aussi dans le viseur
La lutte contre la fraude ne se limite pas aux assurés. Elle concerne aussi le versant prescripteur. Les autorités considèrent en effet que l’efficacité du système passe par une vigilance partagée. À la rentrée, un nouveau dispositif d’alerte s’applique à une partie des généralistes dont la pratique de prescription d’arrêts est jugée atypique au regard des standards retenus par la Sécu.
Ce mécanisme cible des volumes ou des fréquences d’arrêts maladie considérés comme anormalement élevés. Il ne signifie pas que tous les praticiens concernés fraudent. Il indique en revanche que leur activité sera examinée avec plus d’attention, et que des objectifs de réduction seront posés.
« Mise sous objectif » : ce que cela implique
La mise sous objectif est un cadre de surveillance renforcée. Le médecin s’engage à diminuer ses prescriptions d’arrêts de travail d’un certain pourcentage. L’idée est d’aligner les pratiques sur un référentiel, en partant du principe que des écarts trop importants justifient un accompagnement strict. Le message est incitatif, mais il est aussi assorti de possibles sanctions en cas de non-respect.
Ce dispositif doit être compris comme une approche graduée. Il ne prononce pas d’emblée la faute. Il introduit plutôt une obligation de résultat qui, si elle n’est pas tenue, peut déboucher sur des conséquences lourdes pour le praticien. Cela rappelle que l’Assurance maladie entend agir des deux côtés de la chaîne.
Un débat sur l’équité des comparaisons
Cette approche suscite toutefois des réserves dans le monde médical. Plusieurs voix plaident pour des critères plus fins, tenant compte des réalités de terrain. La nature de la patientèle influence mécaniquement le nombre d’arrêts prescrits. Entre un cabinet qui suit majoritairement des retraités en zone rurale et un cabinet implanté dans un bassin industriel, les besoins ne sont pas identiques.
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Cette hétérogénéité appelle des référentiels mieux adaptés. Le cœur du débat tient à la méthode : comparer des volumes bruts ne suffit pas toujours. Les médecins demandent de la transparence sur les seuils et les paramètres retenus, afin de disposer de leviers d’ajustement avant que ne tombent des mesures contraignantes.
Ce que cela change pour les salariés
Pour les assurés, le premier changement est concret. Lorsqu’un arrêt maladie est délivré, il prend désormais la forme d’un document sécurisé, avec QR code et contrôles intégrés. Pour le salarié, l’impact opérationnel est limité : l’arrêt reste remis, transmis et traité dans les circuits habituels. La différence se joue surtout au moment d’une vérification éventuelle, plus rapide et plus fiable.
Cette évolution peut aussi rassurer les employeurs qui redoutaient d’être confrontés à des faux difficilement détectables. La présence d’éléments de sécurité offre un repère commun, reconnu par la Sécu et par les entreprises. Cela fluidifie les échanges en cas de doute.
Ce que cela change pour les médecins
Côté prescripteurs, l’exigence est double. Le respect du nouveau formulaire s’impose à tous, et le passage à l’outil sécurisé n’est plus négociable. En parallèle, certains généralistes entrent dans un suivi plus serré s’ils sont identifiés comme sur-prescripteurs par rapport aux repères de la Sécu. Ils doivent alors ajuster leur pratique, documenter davantage leurs décisions et s’aligner sur les attentes fixées.
Cette phase d’adaptation pose une question de méthode : comment s’assurer que l’encadrement ne nuit pas à la prise en charge réelle des patients ? La demande de transparence sur les référentiels vise précisément à éviter les effets pervers d’un pilotage trop abstrait.
Un cap assumé contre les abus, sans nier les droits
Le fil conducteur de la réforme est lisible. La Cnam entend préserver les droits légitimes tout en fermant les brèches. La sécurisation par QR code n’empêche pas d’être malade ni de bénéficier d’un arrêt de travail justifié. La surveillance des volumes n’interdit pas de prescrire lorsque c’est nécessaire. Elle vise plutôt les excès, les détournements et les facilités qui profitaient d’un angle mort.
Dans une période où les dépenses sociales sont scrutées, l’Assurance maladie choisit une voie pragmatique. Elle touche à la fois au contenant, à travers le nouveau formulaire, et au comportement, via la mise sous objectif. C’est ce double mouvement qui fait la singularité de la rentrée.
À quoi s’attendre dans les prochains mois
L’effet d’apprentissage sera déterminant. Les entreprises et les services RH vont s’habituer au nouveau support. Les caisses gagneront en rapidité de contrôle. Les cabinets médicaux, eux, ajusteront leur organisation pour intégrer la vérification et, le cas échéant, les objectifs de réduction. La réussite dépendra beaucoup de la clarté des règles et du dialogue entre tous les acteurs.
Si la transparence progresse sur les critères utilisés, la mise sous objectif pourra être mieux acceptée. Et si le QR code tient ses promesses, la production de faux devrait reculer. C’est à l’épreuve du temps que l’on saura si l’équilibre trouvé limite réellement les abus sans abîmer la confiance dans l’arrêt maladie.
Voici, concrètement, les deux nouvelles règles de la rentrée
À partir du 1er septembre 2025, deux bascules s’imposent sans exception : d’une part, la fin du vieux papier 10170*07 au profit d’un arrêt de travail sécurisé intégrant des systèmes de vérification et un QR code ; d’autre part, la mise sous objectif de 500 généralistes, tenus de réduire un volume de prescriptions jugé anormalement élevé, avec à la clé des sanctions possibles en cas de non-respect.