On le croyait éteint : ce poisson géant réapparaît 26 ans plus tard en Afrique du Sud
Après 26 années sans aucun signalement, un poisson-scie géant est réapparu, échoué sur une plage sud-africaine. Si la carcasse offre peu d’indices, cette découverte relance l’espoir que Pristis pristis, une espèce classée en danger critique, subsiste encore dans les eaux locales.
Dans une zone isolée du Cap-Oriental, non loin de l’embouchure de la rivière Birha, un promeneur a alerté les autorités. Un poisson au long museau denté reposait sur le sable. Sa silhouette évoque une guitare — ou une arme ancienne. C’est le 19 septembre que Mike Vincent est tombé sur le cadavre imposant de près de 2,93 mètres de long. Immédiatement, il envoie des photos à Kevin Cole, naturaliste au musée d’East London, qui confirme l’espèce potentielle : le poisson-scie à grandes dents.
La présence d’une large plaie intrigue : elle suggère une attaque. Selon Cole, « un prédateur marin est le scénario le plus probable », d’autant qu’aucun animal terrestre ne pourrait causer une blessure aussi profonde. Certains évoquent une orque comme suspect possible, bien que la carcasse n’ait pas été soumise aux tests ADN. En l’absence de prélèvements biologiques, les chercheurs sont contraints de s’appuyer uniquement sur les images et témoignages.
Le retour inattendu d’une espèce presque éteinte
Le poisson-scie Pristis pristis est classé en danger critique par l’UICN. Autrefois cosmopolite, il fréquentait aussi bien les eaux côtières que les zones saumâtres et les estuaires, remontant parfois les fleuves. Mais dans de nombreuses régions, l’espèce a disparu. Selon des données historiques, le dernier signalement crédible en Afrique du Sud remonte à 1999. Depuis, la communauté scientifique craignait qu’elle ne soit plus présente dans ces eaux.
À lire aussi
La découverte de Birha constitue donc une réapparition spectaculaire. Peu après, d’autres poissons-scies morts ont été signalés sur des plages voisines, notamment à Kayser’s Beach. Cela suggère qu’il pourrait y avoir une population locale encore active.
Pour les biologistes marins, c’est une occasion inespérée. Elles espèrent que cette découverte aiguillera de nouvelles recherches, mobilisera les communautés locales (pêcheurs, promeneurs) pour signaler tout échouage. Cela permettra enfin de mieux cartographier la répartition actuelle de cette espèce énigmatique. Kevin Cole lui-même appelle à la vigilance collective, affirmant que ce retour est porteur d’espoir pour la conservation future.
Historiquement, les poissons-scies sont vulnérables à plusieurs menaces : la surpêche, les filets fond de mer, la destruction d’habitats côtiers et d’estuaires, et le commerce illégal de leurs nageoires ou de leur « scie ». L’espèce incendie les données : dans de nombreuses régions, elle a été éradiquée localement. Aujourd’hui, on estime que sur les 75 pays où elle était autrefois présente, elle a disparu dans 28, et pourrait avoir disparu dans 27 autres — ne laissant qu’une vingtaine de pays avec des populations confirmées.
La rareté des observations rend chaque spécimen essentiel à l’acquisition de connaissances. Même un cadavre peut fournir des indices sur les migrations, les menaces et les caractéristiques génétiques. Cette réapparition pourrait déclencher une réévaluation de la présence de l’espèce dans les eaux sud-africaines — avec des implications pour les politiques de conservation marines.
À lire aussi
Les limites de l’observation et les prochaines étapes attendues
Malgré l’enthousiasme, cette redécouverte comporte d’importantes incertitudes. D’abord, la carcasse a été découverte sans prélèvement formel d’ADN ou d’échantillons biologiques. Cela rend toute conclusion définitive très délicate. Kevin Cole a précisé que l’interprétation devra s’appuyer sur les images existantes, ce qui limite la portée scientifique de l’observation.
Ensuite, les photographies elles-mêmes font l’objet de critiques. Certains experts en imagerie sous-marine soulignent que les images de sonar ou les photos aériennes peuvent être déformées par les conditions de l’eau, l’angle de prise de vue ou les algues. Des artefacts visuels peuvent prêter des formes à des objets sous-marins qui ne sont pas ce qu’ils semblent être. Ces critiques renforcent la prudence autour de l’identification.
Par ailleurs, plusieurs expéditions prévues pour explorer le site ont été limitées par le manque de financement et des problèmes techniques, comme des pannes d’équipement ou des conditions météo défavorables. Ces obstacles freinent l’étude approfondie du site et la collecte de nouveaux spécimens.
Malgré ces défis, la communauté scientifique semble mobilisée. Certains envisagent des campagnes de surveillance acoustique, des relevés systématiques le long de la côte orientale, et un renforcement des partenariats avec les communautés locales. L’espoir est que cette découverte ouvre la voie à une renaissance locale de l’espèce.
En conclusion, la découverte de ce poisson-scie échoué après 26 ans d’absence touche autant à la science qu’à l’émotion. Elle rappelle que des espèces que l’on croyait éteintes peuvent parfois subsister dans l’ombre, comme des témoins silencieux d’un monde qu’il reste à explorer. Cette réapparition, même tragique, invite à renouveler nos efforts pour la protection des océans et des habitants mystérieux qui s’y cachent.