Obligé de se faire appeler Antoine au lieu de Mohamed, il attaque son ancien employeur
Contraint de répondre au nom d’Antoine au sein de son entreprise, Mohamed Amghar a attaqué son ancien employeur aux Prud’hommes.
La sensation d’être un « citoyen de seconde zone »
Une histoire qui indigne. Employé par Intergraph de 1997 à 2017, Mohamed Amghar s’est montré rigoureux, veillant à ne pas faire de vagues. Un caractère perfectionniste qui cache toutefois une grande souffrance. Pour comprendre son histoire, il faut remonter à son enfance. Né de parents algériens, Mohamed grandit dans une famille modeste. Arrivé en France en 1946, son père travaille dans le Faubourg-Saint-Antoine où « il tirait des charrettes pleines de bois, car à l’époque, un Arabe coûtait moins cher qu’un cheval ».
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Soucieux d’offrir un meilleur avenir à sa progéniture, l’homme veille à ce qu’elle excelle. Ainsi, Mohamed obtient un Bac +5 et un diplôme d’ingénieur qui lui promettent un brillant avenir. C’était sans compter sur le racisme ordinaire qui rythme le quotidien d’une partie de la population… Racisme qui le renvoie systématiquement à ce qu’ont subi ses parents et ses grands-parents et qui le font se sentir comme un « citoyen de seconde zone ».
En 1996, Mohamed passe un entretien pour intégrer l’entreprise Intergraph France, au poste d’ingénieur commercial. Poste qu’il obtient haut-la-main. À la fin du processus de recrutement, l’employeur exige toutefois une fois une chose : au sein de l’entreprise, il devra répondre au prénom Antoine. Demande surprenante qu’il accepte sans broncher à l’époque.
« Il fallait que je fasse manger mes enfants »
Sentant qu’il n’a « pas le choix », Mohamed explique : « J’étais divorcé avec trois enfants, j’étais choqué, mais j’avais déjà démissionné de mon précédent poste puisque j’avais un accord de principe d’embauche et il fallait que je fasse manger mes enfants« . « Pendant vingt ans, j’y ai pensé tous les jours, c’est difficile de partir le matin de chez soi en étant Mohamed et d’arriver sur son lieu de travail où il faut répondre au nom d’Antoine« , ajoute-t-il.
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Malgré cette contrariété, Mohamed se montre docile. Cependant, il veille bien à conserver les récompenses, les badges, les cartes de visites, ainsi que les fiches de paie mentionnant ses deux prénoms. Autant de preuves qui lui serviront quand, en 2017, il décide de quitter l’entreprise.
L’année suivante, il fait appel à Me Galina Elbaz — désormais vice-présidente de la Licra – à l’aide de qui il monte un solide dossier. Ensemble, ils se lancent dans les démarches judiciaires et entament une procédure devant les Prud’hommes. Premier procès à l’issue duquel il est débouté en 2022. Un échec qui ne décourage pas Mohamed qui fait appel de la décision. La Cour lui donne alors gain de cause et condamne Intergraph France à lui verser 30 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination, harcèlement moral et violation de la vie privée, détaille Marie-France.
Pendant 24 ans, Mohamed Amghar a travaillé dans une entreprise de traitement des eaux où son supérieur l'obligeait à se faire appeler “Antoine”, estimant que son prénom "pouvait déranger les clients".
Il a dû se plier à cette injonction humiliante pendant près d’un quart de… pic.twitter.com/bnALFgmcNL— TRT Français (@trtfrancais) June 4, 2025