Couple : le « jeu parallèle », cette habitude méconnue qui aiderait les histoires à durer
Dans le tourbillon du quotidien, trouver du temps à deux sans s’oublier soi-même relève souvent du casse-tête. Un psychologue américain propose pourtant une approche toute simple, inspirée du comportement des enfants, pour préserver à la fois le lien amoureux et l’espace personnel.
En cette fin d’année 2025, ce concept gagne en visibilité… alors qu’il repose sur un geste du quotidien que beaucoup de couples pratiquent déjà sans le savoir.
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Quand le temps passé à deux finit par ressembler à une corvée
Au début d’une relation amoureuse, on a envie de tout partager, tout le temps. Les soirées s’enchaînent, les messages aussi, et l’on se promet souvent, plus ou moins consciemment, de « toujours » garder cette intensité. Puis la réalité rattrape le fantasme : travail, responsabilités familiales, contraintes financières, charge mentale… et soudain, trouver un moment pour l’autre semble presque devenir une tâche à cocher sur une to-do list déjà saturée.
C’est ce constat que décrit Mark Travers, psychologue américain, dans une chronique pour le magazine Forbes. Selon lui, même avec beaucoup d’amour, dégager du temps pour son ou sa partenaire peut finir par donner l’impression d’un effort de plus au milieu des exigences du quotidien. On continue à vouloir bien faire, mais on s’épuise à force de concilier les attentes de l’autre, ses propres envies, et toutes les obligations qui s’empilent.
Car une relation amoureuse saine demande un investissement bien réel, sans pour autant exiger un sacrifice permanent de ses besoins personnels. Travers rappelle qu’à force de trop s’oublier pour faire passer le couple avant tout, on ouvre la porte à l’épuisement émotionnel. On dit oui alors qu’on a envie de dire non, on accepte une sortie quand on rêverait simplement de se poser, et petit à petit, un ressentiment diffus peut s’installer.
Beaucoup de personnes se reconnaissent dans ce paradoxe : aimer sincèrement son ou sa partenaire, tout en se sentant parfois vidé·e à l’idée de « devoir » encore donner du temps ou de l’énergie. La question devient alors centrale : comment continuer à nourrir son couple sans se perdre soi-même en route ?
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Concilier couple et individualité, le véritable défi du quotidien
Pour Mark Travers, l’enjeu n’est pas tant de passer « plus » de temps ensemble que de mieux équilibrer les besoins de chacun. Il parle d’un nécessaire jeu de compromis, fait de petits ajustements plutôt que de grands renoncements. Autrement dit, au lieu de se demander uniquement comment s’organiser à deux, il invite à intégrer une dimension trop souvent oubliée : l’individualité de chaque partenaire.
Ce n’est pas parce qu’un couple fonctionne bien qu’il doit se confondre en permanence dans un seul bloc indissociable. On peut aimer profondément quelqu’un et garder des goûts, des rythmes, des envies différentes. Travers souligne que vouloir coller en toutes choses à son partenaire finit, à long terme, par étouffer le lien plutôt que le renforcer.
Ce détail que peu de gens remarquent, c’est que beaucoup de tensions viennent justement de cette pression silencieuse à « tout faire ensemble ». Certains se sentent coupables de réclamer une soirée seul devant une série, d’autres n’osent pas dire qu’ils préfèrent lire pendant que l’autre joue à la console. Pourtant, ces moments à soi, intégrés dans la vie commune, peuvent devenir un vrai filet de sécurité émotionnelle.
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Le temps de qualité ne se résume pas forcément à des activités spectaculaires ou totalement partagées. Il peut aussi prendre la forme d’une présence tranquille, qui laisse de la place aux besoins de chacun. C’est précisément là qu’intervient l’idée défendue par Mark Travers : une façon d’être ensemble qui n’oblige pas à être constamment en interaction.
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Un concept emprunté aux enfants pour apaiser les adultes
Pour expliquer son approche, le psychologue s’appuie sur une scène très familière aux parents : celle de deux enfants qui jouent côte à côte, chacun concentré sur son univers. Dans le langage du développement de l’enfant, cette phase porte un nom : le « jeu parallèle ».
Concrètement, c’est le moment où, par exemple, un petit garçon fait un puzzle pendant que sa sœur dessine à côté de lui. Ils partagent la même pièce, parfois le même tapis, mais pas la même activité. Ils ne se parlent pas forcément, ne se regardent pas sans arrêt, et pourtant, ils tirent un vrai réconfort de la simple présence de l’autre. Ainsi, ils sont seuls, mais ensemble, baignés dans un sentiment de sécurité.
Mark Travers propose de transposer ce « jeu parallèle » au monde des adultes, et en particulier à la vie de couple. L’idée peut surprendre, car elle va à l’encontre d’une vision très fusionnelle de l’amour, où l’on devrait toujours être tourné l’un vers l’autre. Mais elle repose sur quelque chose de très simple : accepter que l’on puisse partager un espace sans partager exactement la même activité, tout en restant reliés.
Dans ce cadre, un partenaire peut lire un roman sur le canapé tandis que l’autre cuisine, répond à des mails ou joue à un jeu vidéo. Il n’y a pas forcément de discussion ininterrompue, pas de projet commun précis, mais une co-présence apaisante. Ce n’est pas de l’indifférence ; c’est une autre façon d’être côte à côte, qui respecte davantage les rythmes internes de chacun.
Ce « jeu » n’a rien de spectaculaire, et c’est peut-être ce qui le rend discret, presque invisible. Mais c’est justement dans cette simplicité que se niche son potentiel : il montre qu’on peut se sentir reliés sans devoir en permanence se synchroniser sur tout.
Seuls mais ensemble : ce que le jeu parallèle change vraiment
D’autres spécialistes vont dans le même sens. Interrogée par le HuffPost, Monica Lynne, thérapeute de couple et sexologue, décrit le jeu parallèle comme la preuve qu’il est possible de rester connectés tout en vaquant à des occupations différentes. Le lien ne passe plus uniquement par l’activité partagée, mais aussi par une forme d’écoute discrète et de présence attentive.
Imaginons un soir de semaine banal. L’un des partenaires s’installe avec un livre dans le salon, l’autre met son casque et lance une partie de jeu vidéo ou prépare un plat en cuisine. Ils ne se racontent pas tout ce qui leur passe par la tête, ne commentent pas chaque geste. Pourtant, chacun sait que l’autre est là, disponible en cas de besoin, prêt à échanger quelques mots ou un sourire au détour d’un chapitre ou entre deux niveaux.
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Un message fort à retenir
Ces moments peuvent sembler anodins, mais ils envoient un message fort : « Je te laisse exister à ta manière, tout en restant près de toi. » Le temps de qualité prend ici une forme plus calme, moins démonstrative, mais tout aussi significative. Il ne s’agit pas de s’ignorer, mais de faire confiance au fait que la proximité ne se mesure pas seulement au nombre de conversations ou d’activités communes.
Monica Lynne insiste aussi sur un point subtil : le jeu parallèle n’empêche pas la connexion émotionnelle, au contraire. Il permet aux partenaires de se ressourcer chacun dans leur coin tout en gardant un œil, une oreille, une disponibilité mentale pour l’autre. Ce n’est pas une coupure, c’est une cohabitation choisie.
Pour beaucoup de couples, cette approche peut désamorcer des tensions silencieuses : plus besoin de se sentir obligé de regarder la même série si l’un n’en a pas envie, ni de forcer un moment de discussion quand on est trop fatigué. On peut simplement partager la même pièce, chacun absorbé dans ce qui lui fait du bien, sans que cela soit vécu comme un désamour.
Un antidote aux relations fusionnelles… à condition de ne pas en abuser
Mark Travers souligne aussi un autre bénéfice du jeu parallèle : il aide à poser des limites plus saines, notamment dans les histoires très fusionnelles. Dans ce type de relation fusionnelle, tout est fait ensemble, tout le temps, jusqu’à ce que les frontières de chacun deviennent floues. L’identité personnelle se retrouve peu à peu mêlée, voire dissoute, dans celle du couple.
À première vue, cette proximité constante peut sembler rassurante. Mais le psychologue rappelle qu’elle peut devenir « très malsaine » lorsqu’elle nourrit une vraie dépendance affective. Dans ces cas-là, l’humeur, la sécurité émotionnelle, parfois même les décisions importantes dépendent presque entièrement de l’état de la relation. Le moindre conflit provoque alors de l’angoisse, et faire un choix seul peut devenir extrêmement difficile.
Introduire des moments de jeu parallèle dans une telle dynamique permet justement de réapprendre à exister à côté de l’autre, sans devoir être en fusion permanente. C’est une manière concrète de dire : « Je suis avec toi, mais je reste moi. » Chacun retrouve un espace personnel, sans que cela soit interprété comme un rejet ou une prise de distance affective.
Pour autant, Mark Travers insiste sur un point essentiel : cette pratique ne doit pas remplacer les moments partagés plus classiques. Il ne s’agit pas de vivre côte à côte comme deux colocataires silencieux. Les soirées en amoureux, les activités planifiées, les conversations en pleine présence de l’autre restent indispensables pour nourrir la complicité.
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Que retenir ?
Le jeu parallèle vient en complément, pas en substitution. Utilisé « de temps en temps », il permet à la relation de respirer, en alternant les temps de forte connexion et les temps de co-présence plus tranquille. Un couple qui ne ferait plus que ça risquerait, à l’inverse, de se déconnecter réellement et de perdre peu à peu la qualité de ses échanges.
C’est dans cet équilibre, justement, que se niche l’idée forte portée par ces spécialistes : accepter de passer certains moments « seuls mais ensemble », tout en continuant à cultiver des instants d’échange plein et entier, pourrait bien constituer l’un des vrais moteurs d’une histoire apaisée.
Pour Mark Travers et les experts qui s’y intéressent, cette alternance assumée entre fusion et espace personnel ferait partie de ce secret des couples qui durent.